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La Fille Qui Disparaissait par Vladimirgorski

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Des années que cela dure. J'en arrive presque à douter de son existence même. Je veux parler de cette fille, là, ce bout de femme volatile comme un gaz. Je l'ai suivis d' est en ouest, et du nord au sud. Toujours à ses basques, et à chaque fois que j'ai cru lui mettre la main dessus, pouf, volatilisée, évanouie. Elle était à Hendaye et elle a disparue, on l'a dit emportée par une méchante vague, mais rien de tout ça, une semaine après elle réapparaissait du côté de Fontainebleau, c'est à n'y rien comprendre. Et toujours attifée comme au carnaval. Des bracelets en métal torsadé. Des boucles d'oreilles fantaisistes. Les cheveux dans les yeux. A Cadaqués, elle ressemblait à un chien mouillé. Sur les murs de la gare de Perpignan, elle a laissé son prénom, en lettre de feu. Un clochard du centre ville de Toulouse m'a assuré avoir partager une bouteille de vin avec elle. Sur la banquette d'un café parisien, porte d'Italie, on a retrouvé une de ses boucle d'oreille, une pierre de lune aux reflets argentés. Et partout la même rengaine. Elle a été aperçu ici ou là, et puis d'un seul coup plus rien, enfin presque. On parle d'elle comme d'un Attila au féminin, qu'après son passage les cœurs sont dévastés. Que sa phrase préférée vient d'un poème de Cendrars  : « quand tu aimes il faut partir ». Qu'elle séduit les hommes qui la croisent, et puis qu'elle s'en va, les laissant vidés de leurs substances, tels des pantins pitoyables en proie à des abimes d'incompréhension. J'ai senti son parfum unique, mélange d'agrumes , de vanille épicée, de musc animal, je l'ai suivit en haut d'escaliers menant à des chambres d'hôtel récemment désertée. Je me souviens la forme laissé par son corps sur un couvre lit, l'empreinte subtile, gracile, presque subliminale de ses hanches sur la couverture. Un jour sur la jetée. Sa robe est un patchwork qui décline la palette des couleurs de l'automne. Sa robe vole autour de son corps, un corps immobile, mais d'une immobilité en lutte contre les éléments. Le vent dessine sa silhouette qui se détache, irréelle, sur le front de mer. Ses cheveux en arrière, le front un peu plissé. Il s'agit de la seule photo réussie que j'ai prise d'elle, au téléobjectif. Ses yeux d'une profondeur vertigineuse, des yeux qui jugent, qui condamnent, et pardonnent en même temps. Ses cheveux agités par le vent du large. Le grain de beauté dans le cou. Un sourire triste et figé, qui réveille en moi l'ivresse de la mélancolie. Elle est le souffle et la lumière. Elle est la rumeur et le souvenir de ce qui n'a jamais été.

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