La nuit est glaciale, obscure, sans étoiles. Elle est si immense quelle déborde de la fenêtre.
Du couloir vide, un rai de lumière blême. Je regarde la pendule pendue haut au mur. Tic tac, le temps passe, il ségrène rapidement : déjà 6h30. Dun geste brusque, je rejette lunique couverture posée sur mon corps douloureux. Je suis déjà habillé ou plutôt je ne me suis pas déhabillé.
Cette nuit, jai dormi à peu près, sans coups, sans à-coups et sans cris.
Il fait bon. Des odeurs de café frais et de pain grillé me chatouillent les narines.
Dans peu de temps, après avoir pris un petit déjeuner, ils vont me pousser doucement par-dessus bord, comme hier, comme avant-hier, comme tous les jours. Ils nen ont pas vraiment envie mais ils ne peuvent pas faire autrement. Je les comprends. Certains même, les plus gentils, me sourient.
7h. Je bascule par-dessus le garde-corps (cest vrai, à quoi bon conserver ce corps informe, anonyme, inhumain ?). Le choc avec la surface de la mer est brutal. Comme le cocktail explosif des cachets multicolores à lHP. Comme une claque en pleine figure. Jai mal partout. Leau est glacée. Je tremble de froid, je suis gelé. Jai la tête sous leau. La gorge me brûle. Jai la sensation détouffer. Je remonte lentement. Je tousse, je crache, je vomis. Je nage en eaux troubles, entre deux eaux. Pour combien de temps encore ? Jen ai marre davaler des serpents.
Ce soir je dormirai à labri de piliers bétonnés de grisaille. La nuit tombera glaciale, obscure, sans étoiles. Mordante. Mais léclat du jour me semblera moins tranchant.
http://www.premiere.fr/Bandes-annonces/Video/Au-Bord-du-Monde-Extrait-VF
http://next.liberation.fr/cinema/2014/01/28/dialoguez-avec-le-realisateur-de-au-bord-du-monde_976020
Et pour ceux et celles qui s'intéressent à Bartleby, cette page :
http://www.laviedesidees.fr/Bartleby-le-prefere-des.html
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