Quantcast
Channel: Les commentaires de Pointscommuns.com
Viewing all articles
Browse latest Browse all 5180

L’impulsion est donnée ! par Jules Félix

$
0
0
Entre deux p’tits pastis… – La grève est respectable. – Tu dis cela parce que t’es contre la grève, non ? – On voit bien que tu bosses pas en région parisienne. – Tu crois que les bouchons n’existent qu’à Paris ? – Non, mais ici, c’est le délire. – Faut bien se faire entendre… – Ben, y a les élections pour cela. – Vi, mais ça suffit pas, faut aussi écouter le peuple. – Les élections, ça sert à ça, fallait mieux voter. – J’ai pas voté pour le pouvoir en place. – Fallait mieux convaincre alors. – Le pouvoir a quand même trompé. – C’est un homme qui a été élu, pas un programme. – Mwarf, la nuance ! – C’est important, cette nuance. Aux élections, tu votes pour des hommes (Président, députés etc.), pas pour des programmes. En général, les hommes proposent des programmes, mais y a toujours un petit astérisque disant en tout petit "programme non contractuel". – C’est un peu hypocrite, non ? – Pas vraiment, ça veut surtout dire qu’en France (pas aux ZUS), les mandats ne sont pas impératifs. – Impératifs ? – Ben, ça veut dire qu’un député élu dans un camp, s’il change de camp, il a le droit, c’est pas comme dans d’autres pays où il doit toujours suivre son parti d’origine. – S’il retourne sa veste en cours de mandat, il trompe ses électeurs. – Oui, bien sûr, mais alors, s’ils sont mécontents, il n’est pas réélu. – D’accord, mais bon, là, "il" avait dit qu’il ne toucherait pas à la retraite à 60 ans. – Et tu l’as cru ? – Moi non, mais ses électeurs, peut-être ? – "Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent". – C’est un peu vrai. – Tout ça me fait penser à Binet. – Binet ? Le créateur des Bidochon ? – Oui, les Bidochon. – Tu sais que le 20 octobre, ils fêtent leurs 30 ans ? – 30 ans déjà ! Dire qu’y avait déjà un taré qui avait fêté leurs 25 ans, l’autre fois : http://www.pointscommuns.com/lire_commentaire.php?flag=L&id=15600 – ça fait un bail. – Bon, Binet, il n’a pas fait que les Bidochon, il a aussi fait "Monsieur le Ministre". – Ah ? – C’est un super bouquin en deux tomes. Description crue(lle) et proche de la réalité des mœurs politiques. Dans le second tome, y a Grandgarçon (c’est le nom du Woerth de l’époque) qui négocie avec les syndicats, c’est très drôle. – … – Il essaie d’amadouer les syndicats par divers subterfuges et les syndicats, à qui on l’a fait pas, se raidissent. Puis, quand Grandgarçon dit non, les syndicats parlent d’inflexion et de bonne voie tandis que le ministre dit : « L’impulsion est donnée et je prendrai dans les jours à venir des initiatives dans le but d’intensifier ce mouvement ». À la fin, les syndicats crient victoire car ils ont obtenu gain de cause sur les machines à café : le pouvoir recule ! http://ia31.idata.over-blog.com/0/32/38/92/livres/Binet-le-M/App0023.jpg – Le pire, c’est qu’aujourd’hui, y a même pas la machine à café comme monnaie d’échange. – Tu reviens à la grève : c’est inutile, puisque le pouvoir est déterminé. – Ah non ! les grèves ont déjà fait reculer le pouvoir. Regarde en 1995 avec le plan Juppé. Ou encore en 2006 avec le CPE. – Ouais, 1995, triste année, Noël dans les halls de gare. Juppé a été complètement carbonisé par le mouvement social. – C’est donc possible de faire bouger les choses. – Bof, les députés l’ont adoptée et les sénateurs terminent de le faire, impossible de faire machine arrière. – Mais si ! Regarde le CPE : la loi a été même promulguée et Chichi a dit qu’il ne fallait pas l’appliquer. Voir : http://www.pointscommuns.com/lire_commentaire.php?flag=L&id=43207 – Oui, t’as raison, c’était du complètement n’importe quoi. À l’époque, d’ailleurs, Sarko était contre, lui aussi. – Bon, t’admets quand même qu’on peut faire avancer les choses ? – Ok, mais je ne trouve pas ça démocratique. La rue, c’est pas les urnes. Que représentent trois millions de manifestants face à dix-neuf millions d’électeurs ? – Tu regardes les sondages, les deux tiers sont d’accord avec les grévistes. – Les sondages, tu sais, c’est qu’une photo de l’opinion, les gens peuvent vite changer d’avis. Tiens, ils trouvent que la réforme des retraites est nécessaire et il la trouvent injuste. Tu vois, les gens sont souvent ambivalents. – Ben, c’est pas incompatible, ça. – Non, mais concrètement, c’est quoi le plan B ? On nous l’avait déjà fait pour l’Europe en 2005. Tintin, aucun plan B. Les manifestants ont un projet alternatif ? On fait payer les riches ? – Exactement, on fait payer les riches ! – Bon, ok, tu prends tout le pognon des riches. Et après ? Tu redistribues 50 euros à tous les autres gens ? ça va apporter quoi ? rien ? sinon que les riches, vont se barrer et faire leurs affaires ailleurs. – Comme t’es pessimiste. – Réaliste plutôt. Tiens, imagine que les riches, ils créent des emplois dans le secteur des services et du luxe. – …et des yachts, aussi ! – Faudrait plutôt éliminer la pauvreté, pas la richesse. – Quand même, le pouvoir aurait pu négocier. – C’est vrai, ça, le pouvoir a été un tantinet rigide. – Les syndicats étaient pourtant ouverts. – Ah ! les syndicats. M’en parle pas. Tu crois qu’ils s’occupent des pauvres, eux ? Plutôt de ceux qui ont un boulot. Et tu les crois représentatifs ? – J’y peux rien si personne ne vote aux élections dans les entreprises. – Le problème, c’est que les syndicats sont d’abord des corporations. Rien à voir avec l’intérêt général. – Peut-être, mais justement, c’est le rôle du gouvernement de voir l’intérêt général. – T’as raison. – …et il ne le fait pas : tout converge pour presser le citron sur la classe moyenne. Rien pour les gens aisés. – T’as raison, mais ch’ais plus qui a dit qu’il y avait plus de monde dans la classe moyenne que dans la classe aisée, donc, c’est plus facile de faire payer le plus grand nombre. – Pfff… tu me fatigues avec ton cynisme… Me dis pas que t’es pour cette réforme, quand même ? – Bof, ch’ais pas vraiment. J’crois surtout que cette réforme, contrairement à ce que dit le pouvoir, ne résoudra rien à long terme, si j’en crois les simulations. – Ah ! tu vois, cette réforme ne sert à rien ! – J’ai pas dit ça. Je dis juste que m’étonnerait pas qu’il y ait dans cinq ou dix ans une nouvelle réforme et ainsi de suite, comme depuis Balladur. – C’est sûr, on est la laine à tondre. Ils voudraient bazarder les retraites par répartition qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. – Ben non, c’est le contraire. Le système est aujourd’hui structurellement déficitaire. C’est pas que le vieillissement de la population. C’est aussi le chômage (donc moins de cotisation). – Y a qu’à avoir plus d’emplois ! – Tu fais comment ? C’est le rêve de tout gouvernement depuis trente ans. – … – Et puis, y a aussi qu’au début, après la guerre, la pyramide des âges était sympathique. Y avait très peu de retraités, ils étaient morts trente ans avant à trente ans. Donc, pendant les Trente Glorieuses, y avait peu de retraités et une très forte population active qui consommait pas mal grâce au baby boom. – Bon, ok, c’est structurel, mais alors, y a d’autres moyens que de travailler plus ? – Concrètement, j’vois pas : si tu crées pas de richesse quelque part, tu n’augmenteras rien ailleurs, c’est le premier principe de thermo, ça. – On pourrait augmenter les cotisations, par exemple. – Ouaip, mais alors, t’augmentes le coût du travail, et c’est tout bénef pour les Chinois ou les Roumains. – Pas dans les emplois de service. Peuvent pas se délocaliser, les services à la personne. – Oui, t’as raison. Faudrait plus taxer le service et moins la production. – Houla, tu risques des problèmes avec le principe d’égalité. – Sans doute… – De toute façon, c’est pas le travail qu’il faudrait taxer, c’est les flux financiers. – Ben, le salaire, c’est un flux financier, non ? – Non, mais les transferts d’actions, les boursicotages, les trucs à la Kerviel. – Sûrement qu’il faudrait, mais comment ? – Genre taxe Tobin. – Ouais, mais taxe internationale, ça sert à rien de mettre une taxe nationale, sinon que ça éloignerait les capitaux de la France. – Si tu veux globaliser, t’es sûr de pas y arriver. On pourrait commencer chez nous. – Ce serait une erreur, à mon avis, c’est comme se mettre à poils quand t’as un ennemi devant toi. – Pourtant, ça a marché avec la taxe Chirac sur les billets d’avion pour financer l’aide contre le sida ou la tuberculose. Les autres pays ont suivi. – Oui, mais pour cela, faut que le Président français ait une capacité d’influence internationale… hum hum. – De toute façon, le pouvoir est corrompu, croule sous les affaires, devient raciste et autoritaire… – Tu crois vraiment qu’à gauche, ça serait mieux ? – Mieux que pire, fastoche ! – Sauf que l’opposition, elle est bien contente que Sarko fasse la réforme que Jospin avait prévu dans ses petits cartons en 2002. – Les socialistes abrogeront la réforme quand ils reviendront au pouvoir. – Tu y crois vraiment ? – Ch’ais pas. En tout cas, plus ça grève en ce moment, plus y a de chance que le pouvoir fléchisse. – Penses-tu ! Au contraire, tout est fait pour que le gouvernement montre qu’il est fort, et plus il y a la mouise dans la rue, plus le pouvoir se sentira auréolé de son inflexibilité. – T’as entendu ça où ? – C’est Daniel Schneidermann qui le dit cette semaine, et j’pense qu’il a pas tort. – C’est débile, ça veut dire que les sondages vont encore baisser pour le pouvoir. – Tu sais, vu comment ils sont, ça ne changera pas beaucoup. Contrairement à la température (en °C), les pourcentages peuvent pas être négatifs, hihi. Sarko a perdu depuis longtemps la bataille de l’opinion, qu’ils disent. – Oui mais plus y a de monde dans la rue, plus la gauche va reprendre du poil de la bête. – Même pas ! Regarde comment le PS a peur d’être débordé par sa gauche. Au contraire, ça favorise plutôt le PC, Mélenchon ou Besancenot (tiens, au fait, où est-il, lui ?). – Et le FN, non ? – Certainement, la frontière entre l’antisarkozysme et l’antiparlementarisme n’est pas loin. – Tu dis ça, mais c’est pas vrai. Surtout quand Sarko joue à Le Pen. – Ouais, sur le coup, j’ai rien compris. J’le croyais plus intelligent et plus fin. Gagner quelques électeurs d’un côté et en perdre des bataillons de l’autre, c’est pas très productif. – J’crois que c’est Lech qui disait que tout ça vient des conseillers du prince, une nouvelle dosette de sécuritaire pour récupérer sur Liliane. – Encore un coup foireux : les retraites font redescendre sur terre. Tiens, autre manque de discernement : Sarko ne lâchera pas sur les retraites car il veut absolument être crédité de cette réforme en 2012. – C’est possible… – Mais c’est idiot : personne ne lui en saura gré ! Les électeurs ne loueront pas son supposé courage mais maugréeront les deux ans de plus de travail. – C’est sûr que l’électorat des retraités va faire moins de voix ! – D’autant plus qu’ils ne travailleront pas deux ans de plus. – Que veux-tu dire ? – Ben, que malgré toutes les réformes sur les retraites depuis quinze ans, la durée du travail n’a pas bougé en France. Le chômage, la préretraite etc. y sont pour quelque chose. – Ah oui, en fait, c’est pas l’âge de la retraite qui a bougé, c’est surtout les pensions qui ont baissé. – Oui, c’est pourquoi la gauche ne devrait pas s’appesantir sur l’âge de la retraite, c’est le calcul des pensions qui devrait être le point crucial du débat. – Paraît que les propositions du PS sont pires que la réforme même ! – Ils veulent garder 60 ans, mais avec une plus grande sévérité dans le calcul de la décote. – Y en a pas un pour relever l’autre. – Sont tous dans la même école de pensée. Ils pensent tous qu’il suffit de travailler plus pour avoir plus de recettes d’impôts ou de richesse (selon les cas), mais y a plus de travail. Les gens se crèvent à en chercher, veulent pas forcément paresser. – Dis ! – Oui ? – Regarde ! Le soleil a repris place. L’orage s’est arrêté. – Ah oui. – On va pouvoir y retourner. – Ok, allons-y ! – Pfff… …

Viewing all articles
Browse latest Browse all 5180

Trending Articles