Elle était revenue de loin. Cela avait pris longtemps.
Elle l'avait aimé. Et lui aussi l'avait aimée.
Fondus l'un dans l'autre. Scellés. Ils dansaient.
Ils s'étaient aimés d'amour. De chair et de coeurs.
Ils dansaient. Collés. Immobiles.
Arrêtés. Comme arrêtés.
Puis la musique se tut. Ce fut le moment de dé-lier leurs deux corps.
Ils furent séparés.
Par la foule. Par le bruit. Par le temps.
Il l'avait aimée.
Plus que tout.
Plus que tout au monde.
Plus encore...
Pourtant, quand vint le matin
Il se sépara d'elle.
Il la laissa pour morte.
Elle cessa de respirer.
Elle fut morte.
Elle fut morte longtemps.
Un jour, elle bougea un peu.
Sa main d'abord. Puis elle se leva.
On la crut guérie.
On le crut.
Elle n'a jamais guéri.
Elle continuait de hurler
En dedans.
Personne n'entendait.
Personne jamais ne l'entendit crier.
Mélodies, bris de mémoire, lambeaux de peau,
Fleurs fânées, ciel pâle, soirs glacés
Ombres enlacées, rideau de larmes,
Arrachés, ils furent arrachés l'un à l'autre.
Arrachée à lui.
Deshabillée. Nue.
Laissée pour morte.
Elle porta du noir.
Longtemps. Terriblement.
Immobile.
Au loin la vie, les rumeurs, le reste.
Elle, seule, engourdie, laissée pour morte.
Encore. Et encore.
Et longtemps.
L'automne malade. Les feuilles en pleurs.
L'hiver. La neige comme du marbre.
Des automnes. Des tas de feuilles. En deuil.
Et des hivers. Des tas d'hivers.
Puis alors qu'elle ne l'attendait pas
Quelque chose vint.
Elle crut distinguer dans la brume une lueur dorée.
C'était l'aurore.
http://www.youtube.com/watch?v=yaE-nZGi1G4
Georges Chelon
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