Une grande puissance mentoure. Cette puissance, cest lespace
au bout de la mer sest posé un segment de cercle flou, comme une sorte de lumière pâle,
à peine un demi centimètre discernable se fermant sur le bleu de brume dun ciel sans fin. La mer, elle, est nerveuse,
sa surface se plisse en vagues soulignées par une ride décume blanchâtre ; son drap est fripé, peut-être que les poissons font si violemment lamour que lélément deau sen trouve bouleversé. Il y a de lhumeur dans tout cela, une sorte de colère que la sérénité couvrirait de son charme ambiant
Le soleil est assommant, le vent dune ragedéflagration semble mentretenir du voyage volant que sa puissance sessaie à moffrir. Rien nose lui résister, aucuns concepts diaboliques si ce nest lui, sa propre éminence tyrannique. Ses soldats sont fidèles, courageux, multiples, ils se glissent sous le visage des nappes de sables, des frusques de poussières, et en masse, pores après pores, les voilà qui sélancent, les grains en avant, brillants, noirs, crèmes et grisés, les cristaux à lassaut, tantôt cinglant les corps, aidé en cela par le soleil brûlant qui rougit les peaux inaccoutumées, tantôt les rongeant, tantôt les immergeant par son armée : ce sont les fidèles fantassins du vent océanique, accrochés à la lutte pour léternel recommencement terrestre (une limite simplifie bien souvent la compréhension, nest-ce pas ?).
Autour, tout se moque de votre inadaptation sur ce sol neuf ; la marée trompeuse qui dun coup semblable, vous abandonne à la stupeur, le vent tyrannique qui vous lacère lépiderme en flamme (général dune armée césarienne de quelques milliards de corps tranchant de silicium), les mouettes mobiles, évadées des prisons du ciel, tournent, sagitent et oublient leurs réinsertions terrestres (est-ce fou de préférer lexistence de la terre, là, haut dessus des enfers ?), jouant avec le vent en führer, de votre calme, par leurs rires sortis droit des abîmes infernaux, fraîchement humains
ces bienheureuses comédies naturelles réussissent, par je ne sais quelles magies, à vous libérer des tracas de quotidiens laborieux
on dirait que le vent extrême, au lieu de vous chuchoter à loreille des mots plaisants limités dans leur concept, vous pénètre dun coup sec la centrifugeuse cérébralisante multisensorielle et emporte le paquet de moisissures qui tant embarrasse. Pour tout cela, remercions la Nature : cette étrange création, cette impossible contradiction
cette sphère de laquelle nous tentons de fuir, chaînes aux talons.
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Me voilà, ensablé bienheureux ! A vingt pas de lemplacement qui tendit ses bras à ma serviette considérée de plage
deux anglais ont construit un château bien modeste sur la plage, convaincu de sa branlante architecture, de la rugosité de ses lignes
dans une malheureuse heure, ses fondations laissées à lépreuve du vent, seront avalées puis mâchées, puis écrasées par le va-et-vient inconstant, sensualisant, de lOcéan. Rien de ce qui vient de lhomme ne peut persister, sauf peut-être sa mortalité
Cest ainsi, pareil aux papillons, nous jouissons et créons de par notre éphémère réalité. Soyons heureux de cette poussiéreuse chance, il le faut ! Jouissons en liaison, en opposition de lunisson naturelle, mais évitons le compromis, nous sommes trop faibles
notes vulgaires de la symphonie fantastique supérieure !
Gorey, 27/07/1999
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