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La flore du mâle par Jules Félix

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Aujourd’hui (8 novembre 2010), l’information littéraire du jour, c’est l’attribution du prix Goncourt à Michel Houellebecq. Enfin, à son dernier livre "La Carte et le territoire". Ne l’ayant pas lu, je ne peux pas dire grand chose sur le bouquin, mais j’avais un petit commentaire sortir sur le bonhomme. J’en avais déjà fait un qui résume certains de ses bouquins : http://www.pointscommuns.com/lire_commentaire.php?flag=L&id=7266 C’est étrange : je voulais dire à la fois que Houellebecq est un raté et que j’adore Houellebecq. Si je le dis dans cet ordre, on va me dire que je suis jaloux, si je mets l’ordre inverse, on va me prendre pour un fou (remarque : je suis peut-être fou de jalousie !). J’adore les bouquins de Houellebecq et dans la guéguerre médiatique qui dure depuis plus de dix ans, s’il fallait choisir son camp, je serais chez les houellebecquiens (si ça existe). Son style est très élaboré, ou plutôt, l’écrivain est très laborieux dans son écriture. C’est un personnage lent, visiblement à l’esprit peu alerte qui pond ses bouquins avec faible fécondité. Il suffit de comparer sa production avec celle de Bernard Werber. Il suffit aussi de l’écouter dans une interview. Cet homme n’est pas spontané, il est sans arrêt dans l’élaboration lente et parfois chiante de son expression. Je ne sais pas si son dernier bouquin le mérite, mais je pense que Houellebecq mérite une reconnaissance… "académique", enfin, "formelle" (j’allais écrire : "formol"). Personnellement, je me moque un peu des prix Goncourt. Je n’ai jamais lu un livre parce qu’il était gratifié du bandeau : "Faut que vous le lisiez" (ça aurait même tendance à faire l’effet inverse chez moi). Commercialement parlant, Houellebecq n’en a pas besoin, il est déjà connu et fait vendre énormément. Mais je pense que l’aspect reconnaissance compte beaucoup pour un auteur. J’ai même cru lire (je me trompe peut-être) que Houellebecq attendait ce Goncourt. L’attendait-il pour arrêter d’écrire et vivre reclus ? Ses bouquins sont souvent entachés de réalisme nihiliste. La vacuité de l’existence d’un quadragénaire qui n’a rien réussi : ni sa vie professionnelle, ni sa vie affective. Enfin, vie professionnelle, par ces temps de crise économique, de chômage et de précarité, il s’en sort pas trop mal (je veux dire, hors du champ littéraire). La vacuité de la vie affective est terriblement parlante. Pour les hommes évidemment, car là, pas d’indétermination asexuée : il s’agit bien d’un mâle avec les idées les plus lubriques, les plus perverses. Le sexe, dans tous les sens du terme. Faut pas être trop idéaliste : même le plus saint des hommes a des pensées subversives lorsqu’il aperçoit des femmes ! (eh oui, sans cela, pas de cinéma ni de littérature). Alors, oui, le sujet récurrent de l’œuvre de Houellebecq est nécessairement vulgaire. Et je serais une femme que je ne pourrais que le détester. J’ai trouvé des femmes qui l’appréciaient, mais je m’en étonne encore aujourd’hui. Il raconte quelque part les travers masculins de notre époque. Dans son extrême caricature. J’imagine que c’est la raison pour laquelle il est si lu. Enfin, si acheté. Il devient le représentant de toute une classe de mâles. De ceux qui n’ont pas réussi à être ni des maris-honnêtes pères de famille-gendres idéaux rangés ni des Casanova de caniveau. De ceux qui passent leurs soirées seuls devant la télé ou leur écran d’ordinateur à grignoter et à ruminer leur solitude. Alors, j’ai juste envie de dire chapeau à Michel Houellebecq. Le voici enfin reconnu pour ce qu’il est : l’un des talents littéraires de cette époque. L’homme est détestable, énervant, arrogant, avec des idées dont l’expression sinon le fond est souvent pestilentielle. Mais son œuvre est réellement nouvelle, est réellement créatrice, a apporté quelque chose de nouveau dans ces millions de bouquins qui arrivent sans arrêt sur le marché. Je ne suis pas dupe de la signification d’un Goncourt. J’avais lu depuis plusieurs semaines qu’il aurait ce Goncourt. Je ne sais pas si ce sont des choix impartiaux ou des ententes entre maisons d’édition et ma foi, je m’en moque. Ce qui m’intéresse ici, c’est que pour la première fois, Michel Houellebecq est reconnu à sa juste valeur. Au-delà des polémiques, au-delà de sa pensée glauque et angoissante, au-delà de son aspect peu ragoûtant. Et comme pour le bon vin, je vous conseille de lire ses bouquins bien après leur sortie en librairie. Déjà, un livre de poche coûte beaucoup moins cher (et c’est plus pratique à lire sous la couette), et ensuite, justement, il vaut mieux lire ses bouquins une fois reposés, loin des polémiques dont je n’ai jamais compris le motif, sinon celui d’utiliser son succès commercial et de se raccrocher à cette locomotive fort lucrative.

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