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Fin de l'enfance... - On se couche -... par Lol.Valérie.Stein

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Nous finissons tous par nous coucher. Tard le soir ou au petit matin, nous nous endormons. Fatigués. Le Grand Homme en position fœtale. La Grande Dame, en chien de fusil. Des enfants. Des enfants de leurs parents, qui dorment plus bas encore. Le ciel verse mes larmes. A grosses gouttes. Il pourrait pleuvoir du sang. Le ciel reste pudique. Il y a de la cire sur le cercueil. La bougie de l’église, le cierge. Sa sœur est là, à peine debout, effrayée, inconsolable, qui fixe l’ultime demeure familiale : « C’était la dernière place », dans un murmure elle regrette la place de son aînée. Je vois cette tâche de cire. L’enlever, comment ? Un ongle pourrait suffire. Une lame de rasoir… Sans abîmer le bois. Ils te bénissent, Maman, une dernière fois. Ils ne voient pas la tâche. Au nom du Père, du fils et du Saint-Esprit… moi je la vois, un ongle un peu plus long, une lame, je n’en ai pas. Je ne fais rien. L’eau givrée du ciel qui glisse sur mes joues et qui durcit la cire. Il va faire froid là-dedans. Froid, humide. La cire est figée, blanche, glacée. Toujours les mêmes graviers, funestes graviers. Des pas lourds et tristes qui s’enfoncent dedans. Manque ceux de l’enfant. Frétillants, joyeux, malgré la pluie, malgré la mort. Manque les pas de l’enfant qui joue dans les graviers, escalade, saute, dérape. Celui qui pleure de son genou égratigné, qui rit de ses menus exploits. L’enfant à contresens qui ne comprend pas bien la tristesse des grands devant ces quatre planches. Quelqu’un dedans, mort, plus jamais vivant… Plus jamais. Plus jamais, mais peut-être un jour ? Non. Plus jamais. Je ne fais plus l’amour. Je ne suis pas dans cette boîte. J’espère encore. Je ne veux pas être dedans. Dans cette boîte aux draps de soie où ils t’ont glissée alors que tu dormais déjà. La chaleur de son corps ne m’atteint plus, je ne fais plus l’amour, j’ai froid. Une plaque de cire sur mon meuble en bois. Du temps où il venait coller son corps au mien. Il est parti encore, ou alors c’est moi. Elle est partie aussi. Maman. La chaleur qui s’en va. La chaleur de nos corps nus, immobiles, presque. La chaleur qui s’échappe, aspirée. La mort. La chaleur d’une flamme, une allumette, une bougie à la vanille, celle du sang qui circule et qui monte à la tête, celle des lèvres qui embrassent et des mains qui caressent. Petite flamme qui colorait nos peaux d’une lumière agitée. Paraffine qui s’échappait de son écueil, fluide blanc évadé lentement des sommets, qui réchauffe sans brûler, qui apaise nos corps, qui libère nos âmes. Un racloir, une lame. Décoller la cire à la lumière électrique. Lumière qui ne réchauffe rien mais qui permet de lire. La chaleur des corps s’éteint. Le tien est glacé, dans la boîte. Moi, j’ai froid. D’une lame de rasoir je soulève la cire de mon meuble brun. Je n’oublie pas celle que la pluie, les larmes et mon esprit tentaient de décoller du cercueil tandis que mon corps demeurait inerte, perplexe. La cire froide comme le sceau de la vie qui s’en va, comme le sceau de l’amour qui s’éteint, le temps d’une petite flamme, celui d’une étincelle.

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