Nous finissons tous par nous coucher.
Tard le soir ou au petit matin, nous nous endormons. Fatigués.
Le Grand Homme en position ftale. La Grande Dame, en chien de fusil. Des enfants.
Des enfants de leurs parents, qui dorment plus bas encore.
Le ciel verse mes larmes. A grosses gouttes.
Il pourrait pleuvoir du sang. Le ciel reste pudique.
Il y a de la cire sur le cercueil. La bougie de léglise, le cierge.
Sa sur est là, à peine debout, effrayée, inconsolable, qui fixe lultime demeure familiale : « Cétait la dernière place », dans un murmure elle regrette la place de son aînée.
Je vois cette tâche de cire.
Lenlever, comment ? Un ongle pourrait suffire. Une lame de rasoir
Sans abîmer le bois.
Ils te bénissent, Maman, une dernière fois. Ils ne voient pas la tâche.
Au nom du Père, du fils et du Saint-Esprit
moi je la vois, un ongle un peu plus long, une lame, je nen ai pas.
Je ne fais rien. Leau givrée du ciel qui glisse sur mes joues et qui durcit la cire.
Il va faire froid là-dedans. Froid, humide.
La cire est figée, blanche, glacée.
Toujours les mêmes graviers, funestes graviers. Des pas lourds et tristes qui senfoncent dedans.
Manque ceux de lenfant. Frétillants, joyeux, malgré la pluie, malgré la mort.
Manque les pas de lenfant qui joue dans les graviers, escalade, saute, dérape. Celui qui pleure de son genou égratigné, qui rit de ses menus exploits. Lenfant à contresens qui ne comprend pas bien la tristesse des grands devant ces quatre planches. Quelquun dedans, mort, plus jamais vivant
Plus jamais.
Plus jamais, mais peut-être un jour ? Non. Plus jamais.
Je ne fais plus lamour. Je ne suis pas dans cette boîte. Jespère encore.
Je ne veux pas être dedans.
Dans cette boîte aux draps de soie où ils tont glissée alors que tu dormais déjà.
La chaleur de son corps ne matteint plus, je ne fais plus lamour, jai froid.
Une plaque de cire sur mon meuble en bois.
Du temps où il venait coller son corps au mien.
Il est parti encore, ou alors cest moi.
Elle est partie aussi. Maman.
La chaleur qui sen va.
La chaleur de nos corps nus, immobiles, presque.
La chaleur qui séchappe, aspirée. La mort.
La chaleur dune flamme, une allumette, une bougie à la vanille, celle du sang qui circule et qui monte à la tête, celle des lèvres qui embrassent et des mains qui caressent.
Petite flamme qui colorait nos peaux dune lumière agitée.
Paraffine qui séchappait de son écueil, fluide blanc évadé lentement des sommets, qui réchauffe sans brûler, qui apaise nos corps, qui libère nos âmes.
Un racloir, une lame. Décoller la cire à la lumière électrique.
Lumière qui ne réchauffe rien mais qui permet de lire.
La chaleur des corps séteint. Le tien est glacé, dans la boîte. Moi, jai froid.
Dune lame de rasoir je soulève la cire de mon meuble brun.
Je noublie pas celle que la pluie, les larmes et mon esprit tentaient de décoller du cercueil tandis que mon corps demeurait inerte, perplexe.
La cire froide comme le sceau de la vie qui sen va, comme le sceau de lamour qui séteint, le temps dune petite flamme, celui dune étincelle.
↧