Le roman familial des névrosés
En 1909, Freud a publié un petit texte que lon peut lire en français dans le recueil Névrose, psychose et perversion.
« Pour le petit enfant, écrit Freud, les parents sont dabord lunique autorité et la source de toute croyance. Devenir semblable à eux, cest-à-dire à lélément du même sexe, devenir grand comme père et mère, cest le désir le plus intense et le plus lourd de conséquences de ces années denfance. »
« Des petits événements dans la vie de lenfant, poursuit Freud, en provoquant en lui un sentiment dinsatisfaction, lui donnent loccasion de commencer à critiquer ses parents
(
) le contenu des événements en question est manifestement le sentiment dêtre évincé. »
Freud évoque chez lenfant « la sensation de ne pas voir ses propres sentiments payés de retour », puis il analyse en cinq pages le stade ultérieur qui, écrit-il, « peut être désigné du terme de roman familial des névrosés ; ce stade, précise-t-il, rarement évoqué consciemment, doit presque toujours être mis en évidence par la psychanalyse. »
Un siècle de psychanalyse sest écoulé. Avec lui, sest développée une habitude dexplication du présent par le passé. Le praticien faisait parler le patient qui découvrait des évènements de son passé qui pouvaient expliquer son présent, éventuellement le soigner, le guérir.
Puis chacun a pu se livrer à se type dintrospection et les magazines de psychologie ont fleuri.
Désormais, cest le patient, le névrosé, qui se penche sur son passé, écrit son roman familial et parfois le publie. Mais surtout il peut ainsi justifier dans le présent ses actes, ses décisions, ses choix, ses fautes et ses manquements, ses petites lâchetés, par les événements de ce roman familial qui, évidemment, lont traumatisé.
Ajoutons enfin que parfois le souhait quon affiche consciemment est celui de ne pas ressembler à ses parents.
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