Ô belles Dames du temps jadis
Qui chantiez en jouant du luth,
Vous aviez toutes un teint de lys,
Mais vos amants partaient en lutte
Pour dâpres croisades si lointaines,
Ne gardant de vous quun souvenir.
Et votre âme douce était en peine
En écoutant frémir la lyre.
Cette ceinture de chasteté
Faisaient de vous des femmes saintes,
Restant fidèles à ces croisés
Cherchant le Graal en Terre Sainte.
Nonchalantes en vos châteaux vides,
Vous attendiez parfois longtemps ;
Et deveniez soudain livides
Quand un messager dans le vent,
Arrivait sur son cheval fier,
Vous donnant de fraîches nouvelles
De ce chevalier, qui hier
Chevauchait la campagne en selle,
Jour et nuit pour vous retrouver.
Et le soir au banquet jouant
En troubadour digne daimer,
Sur la mandoline un chant,
Il contait lhistoire dun amour ;
Celui clamé dun trouvère preux
Pour une épousée de la cour,
Qui ne voulait trahir ses vux.
Dame à la licorne nommée,
Tous les gentilshommes succombant
A son être délicieux de fée
Apparaissant au soir tombant.
Ô belle Dames du temps jadis,
Qui, des poèmes aimiez écrire,
Vous aviez un pur teint de lys,
Et votre amant venait vous dire
Ces mots damour, qui ruisselaient
Sur vos doux regards damoureuses,
Quand près dune source qui coulait
Il vous découvrait si heureuse.
Puis furtivement il vous couvrait
De baisers si tendres et fiévreux,
Allumant le feu qui couvait
En vous et libérant laveu.
Dame au cur épris de celui
Qui vous suppliait en douceur,
Tombant à vos genoux la nuit,
Essuyant sur vos joues les pleurs.
Ô belles Dames du temps jadis
En vos hennins, et vos longues robes
De velours coloré diris,
Vous aviez la grâce des modes,
Dun monde où la beauté était
Dans ces costumes si raffinés,
En vos yeux qui dans lâtre voyaient
Sous les flammes vos rêves monter.
Songe damour qui dure toujours,
Serments dun doux poème courtois,
Vos troubadours faisant leur cour,
Mettaient votre cur en émoi.
Ô jeunes Dames du temps jadis,
Souvent, vos vies fragiles étaient
Frappées par des maux qui glissent
Sur la chair, et de vous faisaient
Des fiancées déjà perdues.
Et ne pouvaient vos prétendants
Se consoler, trop éperdus
De vos charmes perdus, mais si grands.
Les famines pestes et choléras
Décimaient campagnes et cités,
Ne laissant que ces quelques bras
Résistant au mal et sauvés.
Ô belle Dames du temps jadis
Qui, le branle quelquefois dansiez,
Le temps éphémère est un vice
Que quiconque ne peut éviter.
Mais de la vie vous aimiez tout,
Les fêtes, les festins et lamour,
Dans vos châteaux où la joie joue
De vos rires et de vos atours.
Ô douces Dames du temps jadis
Qui, chanter et danser vouliez,
Vous aviez toutes un teint de lys,
Et vos amants tant vous aimiez.
Botticella
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