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L'occupation des vierges par Malis

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"Comme tout avait brûlé", Marie et toutes ses photographies, il ne restait plus rien; à peine un carré de bleu sur lequel elle avait commencé à broder les traits de son visage. Sans elle, sans Marie, Fabre et Paul sont devenus transparents au monde, encerclant le huis-clos protecteur de l'icône du sens, de la mémoire, sans laquelle on dépérit. Fabre gravite autour du souvenir, soudé aux fils du carré bleu. Mais pour Paul, c'est différent. On prétend que seule la photographie peut restituer ce qui est perdu parce qu'elle est "ce qui a été", qu'elle rend à nouveau sensible la chair du monde. Or il ne reste aucune photo. Aucune importance. De toute façon, Paul ne croit pas aux pouvoirs de la représentation. Il aurait vu dans le reflet de Marie, Sylvie, puis une autre, puis rien. La fille orphique, aux visages changeants, il s'en méfie et ne se retourne jamais quand l'une d'elles passe devant lui. Ces traits au carré bleu... ont-ils seulement existé ? Il doute que la vie puisse être re-présentée parce qu'il sait que sa mémoire transforme cette femme brûlée et que l'image ne peut être idolâtrée comme la chair. Fabre tente de l'entraîner dans ce qu'il appelle un "fétichisme troublant", une folie qui le met en rut quand il touche le carré de tissu. "Tiens, Paul ! regarde comme c'est doux !" Regarde ? alors Paul se met à rêver, c'est ainsi qu'il pense la revoir. Il se couche tôt, il s'endort, il lui parle. La chair s'est muée en songe, cette matière érotique qui crée la sensation de la pulpe sans les doigts, cette pulpe évaporée dans le feu céleste qui forme le refus, le rejet de Paul à adorer une icône au carré bleu.

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