Beyrouth, encore et toujours
Comment parler dune ville dont le simple énoncé évoque toujours la guerre, le terrorisme, la prise dotages ? Oui, guerre, guerres, armes, feu, bombes, franc tireurs, massacres, folies
.ville multiple, inconsciente, dévastée, déjantée, encombrée, impatiente, mille fois recommencée, toujours inachevée
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Beyrouth, champs de ruines, de toutes les ruines, antiques et actuelles, ville aux douleurs inlassablement psalmodiées, où tous les espoirs sont permis et toutes les déceptions assurées...
Nest-il pas surprenant que par une brise dEst légère, ces visions dhorreur sévanouissent laissant surgir une évocation enchanteresse ? Suffit-il dun coin de ciel étoilé, pour que la distance soudain sefface, et que les souvenirs resurgissent ? Souvenirs merveilleux, car il est toujours doux le lieu où sécoule linsouciante jeunesse.
Antique, méditerranéenne, orientale, Beyrouth nest pas une ville classique et ordonnée, elle est diffuse et turbulente. Sur ce long littoral, écrasé par la montagne, un port se découvre .Un tendre port féminin, bordé sur trois côtes par la mer, où la grotte aux pigeons face au rivage, compte les sacrifices.
La ville vibre dans un brouhaha indescriptible qui fascine, mais le vent du large est là pour en chasser la lourdeur qui se fait oublier. Il nest pas rare que la beauté dun balcon fleuri interrompe une promenade. On peut encore y croiser un alignement de jasmin striant un pan de mur épargné. Cette fleur si blanche dont le parfum résiste à la pollution de la ville et incite à livresse
Au travers des chicanes le regard plonge immédiatement sur la mer
Et puis il y a la corniche, cet endroit où tout Beyrouth se retrouve, non pour la fraicheur des terrasses, mais pour...marcher. Ce nest pas un moindre spectacle que de voir cette foule aller et venir, dun pas paisible ou volontaire, comme pour conjurer un sort.
A Beyrouth le soleil se lève sur la montagne et se couche sur la méditerranée
le jour y est éclatant, la nuit claire, les ombres, jamais trop sombres. On peut sassoir à une terrasse et contempler la lune, ou bien goûter à un coucher de soleil, lapprécier dans la durée, prendre le temps, passer le temps, laisser filer le temps, jouer le temps, oser le perdre
On peut tout attendre de ces moments là
. Cette ville levantine, insensée et téméraire, endolorie et jalousée portera à jamais ce goût triomphant de la vie, ce sens de lécrasement de lennui.
Tendre port féminin, mille fois recommencé, toujours inachevé, Beyrouth mon exil, ma jeunesse...
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