Quantcast
Channel: Les commentaires de Pointscommuns.com
Viewing all articles
Browse latest Browse all 5180

La névrose du commentaire par Sablaise1

$
0
0
Il avait essayé plusieurs sites de rencontres mais las de recevoir des messages pleins de fautes lui proposant une relation « sans prise de tête », il avait renoncé. Pourtant il regrettait d’avoir refermé cette porte ouverte quelque temps sur un monde de possibles. Un jour il eut l’idée de consulter l’oracle google, il tapa « sites de rencontres » plus « culture » et la réponse apparut : pointscommuns. Il s’inscrivit et remplit sa page. Tous les jours il allait sur le site mais sa boîte aux lettres restait désespérément vide, on lui disait en bas à droite qu’il pouvait augmenter sa visibilité en figurant au top commentaires. Au début il ne comprit pas, il n’avait pas perçu la spécificité de pointscommuns, puis il vit à gauche le mot commentaires. Il cliqua et on lui proposa des textes, il les lut les uns après les autres et cela lui plut. Très vite il prit l’habitude de noter ceux qui lui plaisaient et d’aller mettre son grain de sel dans les réactions qui suivaient. Un jour il franchit le pas, il rédigea son propre commentaire. C’était une critique assez brève d’un livre qu’il venait de terminer. Il hésita un peu avant de l’envoyer, il n’est pas si facile de s’exposer par caractères interposés quand on n’a pas l’habitude de le faire. L’accueil fut modeste mais sympathique. Il s’enhardit et fit régulièrement des commentaires plus longs et plus personnels dont le devenir ne laissait pas de le surprendre. Souvent il pensait avoir écrit quelque chose d’intéressant et l’avoir bien écrit mais n’avait guère de retour. Parfois des réactions en cascade venaient s’inscrire au bas de son texte qui à bout d’un moment n’avaient plus aucun rapport avec celui-ci, comme si sa page était devenue malgré lui le dernier salon où l’on cause. Mais il y avait toujours une petite phrase de quelqu’un qui avait apprécié le fond ou la forme ou les deux et cela lui faisait chaud au cœur et lui donnait l’envie de poursuivre. Il réalisa un jour qu’il n’allait plus sur pointscommuns pour y faire une rencontre, d’ailleurs seules quelques femmes vivant à l’autre bout de la France lui avaient envoyé messages et dédicaces, mais pour lire, réagir, écrire et être lu. A quel moment s’aperçut-il que cette histoire de commentaires prenait trop de place dans sa vie, il ne s’en souvenait pas. Progressivement publier des commentaires était devenu très important, puis le plus important. En voiture il écoutait les informations à la radio et quelque chose le frappait, il pensait à un commentaire. Un article dans le journal, une affiche sur un mur, une discussion avec un collègue lui en suggéraient d’autres. Les heures interminables passées au travail l’insupportaient, il attendait impatiemment d’être rentré chez lui pour se mettre devant le clavier et commencer à écrire. Il ne répondait plus aux invitations de ses rares amis et sortait le moins possible pour consacrer tout son temps libre à l’écriture. Il ne se passait plus de jour qu’il n’écrivît un commentaire. Petit à petit il perdit le sommeil. Il arrêtait l’ordinateur de plus en plus tard après avoir relu et corrigé le commentaire qu’il publierait le lendemain. Il éteignait la lumière mais ne pouvait s’endormir, il pensait à tout ce qui allait encore de travers dans le texte qu’il venait d’écrire. Il s’interdisait de redémarrer l’ordinateur mais rallumait la lampe et prenait des notes pour de futures corrections sur le bloc laissé à propos sur sa table de chevet. Il éteignait à nouveau la lampe mais alors lui venait l’idée d’un texte sur un tout autre sujet, de peur de l’oublier il rallumait et reprenait le bloc. Il finissait tout de même par tomber de sommeil et dormir quelques heures sur le matin. Au milieu d’une nuit blanche il réalisa qu’il était en train d’y laisser sa santé et qu’il fallait absolument arrêter le défilé permanent des commentaires dans sa tête. Il pensa d’abord à la solution radicale, se désinscrire de pointscommuns, mais il n’en aurait jamais la force. Alors parler de son problème mais à qui ? A un ami, à sa mère toujours compréhensive, à un psy peut-être. Il s’imagina déballant inutilement toute l’histoire de son addiction hors du commun, qui pourrait jamais comprendre ? Soudain il eut un grand sourire, il lui était venu une idée, après tout il y avait quelque part des gens qui comprendraient et l’aideraient. Il se leva, démarra l’ordinateur et chercha pointscommuns. Il cliqua sur rédiger un commentaire, voyons quel titre choisir…il trouva aussitôt, ce serait « la névrose du commentaire ».

Viewing all articles
Browse latest Browse all 5180

Trending Articles