La Mer
L'écriture, ma petite, c'est une histoire de femmes !
Perdue comme je ne sais plus s'offre en premier sa souvenance
de cette barque vieille au loin sans rêve
quand sur la grève je respire seule un sel frais et quand
plus même que ton nom, j'inscris en toi ma parenté, ma soeur
en toi notre chant et là,
ne se trahit-elle pas
cette chose que les hommes déplorent
dont seules celles de ta race savent enfin tenir
le rang ?
Le silence est échu, tout comme ton mépris.
Par bribes s'en reviennent nos chansons, la veille
en l'ordre du couchant, où nous avons droit à pécher
un peu de la mémoire commune
Que cherchent-ils en nous, ces autres ?
Tenir son rang, oui
mais si entières toutes,
compagnes de fortune ou bonnes de services,
Dames de prix à nos heures,
perdues pour Tel qui ?
Leurs yeux sont caves et muets,
hivernage en nature par ce qu'ils ont de nous
que nous sommes menteuses que de le dire
son visage était marqué, signe que ta promesse l'avait porté jusque l'échouage
et malgré lui hostile au sans-âme-qui-vive,
la parole souveraine portant le fruit trop mûr de toutes celles-là
qui les avaient pleurés,
ses pères à lui.
Un temps de pèche arrive toujours...
Ton enfance,
jadis de porcelaine,
le poids de la terre et sa rotation sans nombre brûle
cette voile de chair devant moi qui tremble,
et,
tes yeux,
marbres devenus
dans notre lieu à nous,
ici,
qui fut cette fois le tien.
Ainsi ton bien, que comme nous, jamais plus tu n'auras !
L'us en a toujours cours.
Il en respire, le soir parfois
quand il ploie sous mes bras d'endormeuse, à hauteur de varech
sa pauvre tête d'homme.
Il est si tôt, encore.
Une peine lui avait dit : « tais-toi ! »
ce sont des femmes
et, pour nous, qu'elle fût face à lui,
cette aube et son départ allaient la luit compter pour deux.
Plus lieu de te maudire .
La rumeur des fidèles rejoint celle des filles
sans nom de rue qu'apprenne les écoles.
Je me souviens de son histoire,
il l'avait dite sur l'oreiller plutôt que sur le bois,
un livre de mépris que je connais, faible,
songe-creux de diseur d'anges dans le silence des siècles:
c'est à ta chanson que je te reconnaîtrai,
tu le sais bien
mais d'où, sinon d'ici ?
Je ne te comprends pas, toi
ni ton nom, ni ta promesse !
Ourle en moi ta semence de pitre,
elle est déjà en moi, moi en elle,
sans majuscule.
Tes vérités se cachent pour toi seul
où aller, maintenant ?
Aussi, tardé-je à sa question,
retournant le cours de mon vieux rêve
dans ce sable qu'autrefois,
tant il me fait naître de l'attendre,
j'avais cru mon ennemi.
1999
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