Ravage.
Faire des ravages c'est l'ambition.
Ravager voilà bien ce que la colère nous pousse à faire.
Ravagé on l'est parfois quand on porte de grands et lourds secrets.
Quand j'ai lu ce livre j'avais l'identification facile des adolescents. Dans la France telle que décrite je reconnaissais la ville dans laquelle je vivais ; ça ne s'est pas démenti depuis.
Les tentacules routières se sont développées, se grossissant de centres commerciaux, de zones industrielles, de quartiers de relègation.
Elles se sont étendues, allongées, poussant la ville jusques au coeur des campagnes, les routes et autoroutes coupant des territoires, délimitant des friches plus ou moins déterminées. En mème temps que des habitants urbains déformaient le tissu social rural en une ville désincarnée.
Le confort électrique, automatisé, a lui aussi pénétré nos vies toujours plus étroitement liées à notre vie sociale. Nous sommes faute d'y résister des cellules dépendantes d'un corps qui nous aliène plus qu'il ne nous lie.
Voilà ce que "Ravage" m'a désigné, voilà ce que j'ai vécu. J'ai vécu aussi le dédir et l'attente de la désolation de cette épidémie de progrès social, pris dans un sens ironique : non pas le progrès des individus dans la société, mais bien plutot l'invasion omnipotente et ubiquitaire de la société.
Le progrès de la société humaine en tant qu'holon dépassant les humains qu'elle inclue.
Aprés le délitement rapide, la rupture des médias, des structures humaines, que reste-t-il ?
L'essai de "Ravage" consiste en cette description.
Barjavel n'excelle pas dans la compassion, ses personnages sont shématiques, à peine des personnes.
Des caractères avec lesquels il écrit plus que des êtres à part entières. Est-ce ce manque de sensation humaine qui lui permit de percevoir des schémas d'évolution globaux au delà du bruit ? Conjectures psychologiques.
Dans "Ravage" il y a un personnage négatif. Trés compétent, trés prévoyant, trés intelligent il s'agrège à un groupe auquel il apporte ces qualités, dans un but égoïste. Ces motivations froides et calculatrices l'amènent, conjointement aux réels bénéfices qu'il apporte à ses compagnons, à manipuler le groupe, le tenter, et finalement à en devenir l'ennemi, un danger qu'ils devront affronter.
C'est le personnage le plus réel de ce livre, m'a-t-il semblé. Depuis j'ai fait l'expèrience de la vie, où j'ai reconnu maintes fois cet homme chez les autres et chez moi. C'est courant, les émissions de télé-réalité nous en montrent.
Dans le livre il perd. Au bénéfice des autres personnages. Heureusement qu'on ne lit pas les livres pour développer sa lucidité. Mais pour se réconforter, se divertir.
Mais il perd par maladresse, parce qu'il laisse voir sa nature. Cet être humain lui aussi était imparfait. On peut aussi s'améliorer et attirer la compassion plutot que la refuser.
L'éprouver sans nécessairement lui céder.
Vivre dans la réalité.
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