Des clopes partout. Un cendrier qui suffoque. Dans la brume qui s'étire, je patauge au bord du sommeil.
Encore une nuit blanche. Glacée. Froide comme une lame. Effilée juste ce qu'il faut pour éventrer mes démons.
Quelle dérision ma pauvre fille... tu n'as jamais tué que le temps !
Et merde te revoilà toi, misérable bouteille. Toi qui bave d'impatience en lorgnant sur mes insomnies...
Traitresse, je me suis déjà racontée tellement de conneries en te culbutant sur mes tourment ! Vieux souvenirs de ratages qui tournent en rond sous mon crâne plus vite qu'une trotteuse de tocante.
Dans un coin un canari chiffonné par la trouille se dévisse la tête sur mon passage. Pauvre piaf, il doit me prendre pour un renard.
Avant de partir en vacances ma voisine aurait dû l'affranchir. Chez moi on ne dort qu'un jour sur deux.
C'est con, mais ce volatile me rappelle quelque chose...
Une rencontre loufoque...
De celles que je faisais lorsque ma vie partait en vrille.
Juste après mon divorce.
Un énergumène déniché dans une cave Rock'n roll. Rue de Rivoli. A cette époque de ma saison garce je moissonnais Paris dans tous les sens.
Mon obsession; Régaler mes fantasmes. Une fringale de plus de huit ans à combler.
Dans une piaule sous les toits le bougre vivait au milieu d'une volière. Et c'est avec une colombe blottie contre mon cou que je le chevauchais jusqu'au petit matin. Rien de tel qu'une monture increvable pour triompher de la nuit !
Ventousée à son ventre comme une orange pressée je me prenais pour Attila. Cramponné à mon épaule un faucon scrutait l'horizon pendant que notre équipage martelait la plaine de ses sabots diaboliques.
J'écumais, je pillais, j'embrochais et je violais... Jusqu'à ce qu'un voisin mécontent déboule sur le palier et cogne à notre porte...
Aucune honte à vous raconter cela aujourd'hui, ma pudeur a pris le large depuis pas mal de temps.
C'est vrai... J'en ai vécu du pittoresque en débauchant ma libido avec des gigolos.
Comme ce mélomane tzigane harponné sur les quais un jour de grande famine. Un violoniste un peu dingue vivant sur une péniche.
"T'es pas chiche de me tirer là-bas au fond de ta cale" que je lui avais chuchoté derrière les écoutilles.
Son matelas était à deux pas. Cinq minutes plus loin, il jouait sa sérénade à genoux devant ma lune... Je me souviens encore de ses monstrueux grincements d'archer sur les cordes de son violon... Je me souviens aussi de tous ces poils au garde-à-vous sur mon échine, à deux doigts de quitter le navire pendant que l'artiste pistonnait mes reins en rythme avec Mozart.
N'empêche que ce concerto improvisé est resté gravé là... Pile-poil au bout de mes doigts... Sous la dentelle du string.
L'heure est aux émois, je m'éparpille sur mon vieux canapé. Je me disloque dans un délire d'images aussi polissonnes qu'incongrues... A mon tour de me perdre en solos de mandoline... Le jour pointe, j'ai vraiment besoin d'une berceuse.
La main cramponnée à mon banjo, je m'ébranle doucement vers un plaisir salutaire. Mon petit pèlerinage libertin trottine derrière celui qui restera longtemps le "Number one" de ma débauche.
Celui là je me le garde pour fignoler ma partition. C'est le seul qui m'envoyait au tapis du bout de la langue.
Je l'appelais Mister bonbon. Un maitre incontestable dans l'art de sucer les dragées en cajolant l'amande.
J'étais sa dragée.
Montée, démontée, trois fois dans la soirée comme un Kinder surprise j'en voyais de toutes les couleurs. Fouettée par ses rouleaux de réglisse, torturée par ses malabars, j'implorais pour qu'il me glisse des caramels dans tous les coins...
Après des heures plantée au bout de son bâton je ne valais guère plus qu'un pauvre chamallow.
A la fin de nos ébats son plumard avait tout d'une confiserie et nos toutes dernières étreintes expiraient dans une rivière de boules de gomme....
Voilà. C'est fini. Le canari a fini par tomber de son perchoir. La bouteille rumine sous la table.
Pas de chant du coq pour saluer ma victoire sur l'ennui. Seulement un sourd grondement du coté du périph.
L'aube grignote méthodiquement les ténèbres jusqu'au fond des ruelles.
Je m'enroule dans les vestiges de la nuit pour et je m'endors enfin. Toute dégoulinante de ma petite folie.
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