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Mélodies du sous-sol par Diamond-dog

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« Si tu me passes « Solsbury hill », tu peux faire de moi ce que tu veux… ». Pour avoir une chance d’entendre un jour une délicieuse amazone prononcer ces mots, et vivre l’un de ses moments où le temps se fige avant de livrer six caisses de félicité promotionnelle, il faut réunir trois conditions : - une femme copieusement saoule (ça, c’est clairement le plus important) - une collection de disques généreuse - la mainmise absolue sur l’animation d’une soirée déraisonnable. Lorsque Agnès me lança cet imprudent défi, la pose équivoque et l’œil brumeux, je la connaissais à peine. Elle accompagnait une amie commune à l’une de ces beuveries débridées qui firent trembler sur ses bases la maison familiale, mais scellèrent ma réputation dans toute la contrée. Quelques heures plus tard, nous partagions le même transat au bord de la piscine. A demi vautrée sur mon onctueuse carcasse, Agnès cuvait paisiblement son gin fizz, tandis que les convives les plus désaxés se jetaient à l’eau en exhibant l’intégralité de leurs caractères sexuels primaires et secondaires, une bouteille de scotch ou d’autre chose à la main. Voila comment Peter Gabriel acquit ma reconnaissance éternelle… et pourquoi le souvenir de cette étonnante brune aux yeux verts lui demeurera, sans doute, à jamais accolé. C’était l’époque charnière des premières années d’études, lorsque l’on commence à se prendre pour un homme avec des poils, tout ça parce qu’on conduit tant bien que mal une bagnole, qu’on n’a plus maman sur le dos pour canaliser nos bas instincts et qu’à défaut de maîtriser pleinement l’orfèvrerie des corps caverneux, on peut réviser ses gammes à peu près quand on le souhaite. Ces années où l’on adore jouer au petit couple et écouter passer les heures en se tenant par la main. Alors, forcément, quand on passe des nuits à façonner quelques mythes fondateurs de son destin génital sur « Don’t give up » ou « Mercy street », ça creuse un profond sillon dans la mémoire juvénile. Surtout si le vent mauvais de la débâcle y met du sien... A l’issue d’une saillie mécanique et sans saveur, Agnès stationnait sur mes hanches lorsqu’elle me transperça d’un regard glacé, pour accompagner un passage de « Family snapshot » : « I don’t really hate you ; I don’t care what you do… ». De quoi vous chloroformer l’organe pour juste un peu moins que l’éternité. Pourtant, 20 ans plus tard, ça reste mon morceau favori de l’artiste ; ma thérapeute se régalerait sans doute de l’anecdote, si elle daignait se réveiller de temps à autres. Quelques mois après qu’Agnès m’eut condamné au caniveau et au Jack Daniel’s durable, j’assistai à mon premier concert de Peter Gabriel. Elle n’était pas là… pas plus que Kate Bush pour interpréter « Don’t give up » et me lancer une oeillade de biche pour laquelle j'aurais sacrifier toute une branche de mon arbre généalogique, d’ailleurs. Ce qu’on appelle la loi de Murphy. Deux ou trois siècles se sont écoulés et je ne sais plus grand-chose d’Agnès, mais la douce mélancolie de « Mercy street » ne cessera sans doute jamais de lui appartenir. Dans le même goût, je pourrais tout aussi bien évoquer Sandrine, le lycée et Polnareff. Sandrine, qui avait l’extrême bon goût de partager un appart’ avec une copine à 150 mètres de chez moi et… d’être très en avance, pour son âge. Sandrine, qui m’exposa une alternative tout à fait crédible à l’épanouissement masturbatoire. Sandrine, grâce à qui je devins, l’espace de quelques mois, l’incontestable roi du pétrole, le Grand Moghol, le Ballon d’Or France Football de l’informelle confrérie des puceaux tourmentés… Sandrine écoutait Polnareff à longueur de vie. Elle catalysait mon usinage d’hormones en me susurrant « j’aimerais simplement faire l’amour avec toi ». Elle m’hypnotisait en décochant un regard énigmatique pour déclamer « mais qui peut dire l’avenir de nos souvenirs ?». Moi, en brave jeune con, j’étais convaincu d’occuper les 5 ou 6 prochaines décennies à lui bâtir des châteaux et des empires, voire à faire valdinguer les frontières du monde entier… Première expérience d’implosion sternale, Sandrine me signifia mon congé au son de « Love me please love me » … Assez cruel quand on y songe, mais diablement efficace pour qui veut s’assurer une certaine postérité. Elle se marierait deux ans plus tard avec mon successeur et, dans un salvateur accès de dignité, je me retins de lui écrire « ta robe de mariée est faite pour épouser mes regrets »… Sans quoi je pense que je me couvrirais encore le visage de cendres chaque matin. Sandrine a aujourd’hui les cheveux blancs et sa fille cadette a exactement l’âge auquel Polnareff berçait notre parcours initiatique. Anne-Sophie, enfin… Là, on inverse les rôles : dans mon infinie vanité, je caresse parfois l’espoir, des années après, qu’ELLE m’associe encore au grand Bowie. Oui, je sais, je me vautre sans complexe dans la vanité, sur ce coup. Mais bon, j’ai quelques divisions à aligner : - Des années de complicité à bachoter en duo sur « Aladdin Sane » et « Scarry Monsters » ; - Un rituel consistant à s’étourdir d’une transe commune sur « Bang bang » ou « Modern love », lors de chaque soirée étudiante organisée au Fluo, légendaire boîte rock de Toulouse ; - Seul l’effet conjugué d’un flux tendu d’Eristoff et de l’imparable ensorcèlement de « Wild is the wind » nous permit d’abattre, une nuit d’octobre, les murailles érigées par ces longues années d’amitié nécessairement ambigüe… - Lorsque, les tripes au soleil et la poitrine béante, nous soldions quelques années de vie commune en répartissant équitablement le frigo, le lave-linge, les rouleaux de PQ et les boîtes de flageolets Bonduelle, je lui proposai d’échanger mon « Hunky dory » contre son « Risibles amours », histoire de mettre un peu de chair dans la froide équation. Chacun sa cave, les mélodies bruissant de la trappe et les photos fanées qui vont avec, après tout. AGNES ET PETER GABRIEL « Solsbury hill » http://www.youtube.com/watch?v=MUFOaRLbO0g&feature=related « Family Snapshot » http://www.youtube.com/watch?v=Xp1j1R8jKyY « Mercy street » http://www.youtube.com/watch?v=zs35CBGOxbc « Don’t give up » http://www.youtube.com/watch?v=uiCRZLr9oRw « Games without frontiers» http://www.youtube.com/watch?v=n55ognuTbzI SANDRINE ET POLNAREFF « L’amour avec toi » http://www.youtube.com/watch?v=BeygdlGfnsQ « Lettre à France » http://www.youtube.com/watch?v=SkSxXdAvICQ « Je t’aime » http://www.youtube.com/watch?v=OI5VQ8M5r3U « Love me please love me » http://www.youtube.com/watch?v=ZQIsv_4PuHA&feature=related « Mes regrets » http://www.youtube.com/watch?v=6yxoSdJ7ujA ANNE-SOPHIE ET BOWIE « Lady grinning soul » http://www.youtube.com/watch?v=6yxoSdJ7ujA « Time » http://www.youtube.com/watch?v=rh5MUWanmrM « Because you’re young » http://www.youtube.com/watch?v=II82y16bwpw « Ashes to ashes » http://www.youtube.com/watch?v=CMThz7eQ6K0 « Modern love » http://www.youtube.com/watch?v=nVMjJjkqtF8&feature=fvsr « Bang bang » http://www.youtube.com/watch?v=_aZft037wCY&feature=related « Wild is the wind » http://www.youtube.com/watch?v=7cSAKlu0OlU « Life on Mars ? » http://www.youtube.com/watch?v=v--IqqusnNQ

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