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"Impose ta chance, serre ton bonheur... par Rapanui

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...et va vers ton risque : à te regarder, ils s'habitueront." Chaque ligne de ce très court recueil de pensées et poèmes de René Char me donne force et espoir. Rien à jeter, rien à redire, rien à moderniser dans ce texte de la fin des années 40. J'aime l'œuvre entière de ce poète résistant, membre des surréalistes, belle carrure, belle gueule, belle idéologie, resté marqué après la fin de la 2ème guerre mondiale. "Les Matinaux" garde ma préférence, pas tant par le style, dans le plus pur respect du surréalisme, que par le message transmis, entre désespoir et idéalisme : désespérément optimiste. Char était à cette époque très désabusé par les suites du conflit de 39-45, et est resté "pessimiste" sur le devenir politique de la France jusqu'à sa mort en 1988. D'autres livres expriment plus directement ce sentiment ("A une sérénité crispée") mais la poésie des Matinaux me semble être un bien meilleur vecteur. Aujourd'hui, il doit se retourner dans sa tombe... Je trimbale dans mes valises, depuis bien longtemps, les œuvres complètes de René Char dans l'édition de la Pléïade. Ce petit livre joliment relié, bien protégé dans son manchon, a pris peu à peu les odeurs du voyage, mélange d'épices, de moisissures, de parfums exotiques. Je ne l'en aime que davantage, ce compagnon de mes émerveillements et de mes tristesses. Extraits choisis (exercice difficile !) : "Imite le moins possible les hommes dans leur énigmatique maladie de faire des nœuds." "La sagesse est de ne pas s'agglomérer, mais, dans la création et la nature communes, de trouver notre nombre, notre réciprocité, nos différences, notre passage, notre vérité, et ce peu de désespoir qui en est l'aiguillon et le mouvant brouillard." "Quand le navire s'engloutit, sa voilure se sauve à l'intérieur de nous. Elle mâte sur notre sang. Sa neuve impatience se concentre pour d'autres obstinés voyages. N'est-ce-pas, vous, qui êtes aveugle de la mer ? Vous qui vacillez dans tout ce bleu, ô tristesse dressée aux vagues les plus loin ?" "Qu'il vive ! (ce pays n'est qu'un vœu de l'esprit, un contre-sépulcre.) Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains. La vérité attend l'aurore à coté d'une bougie. Le verre de fenêtre est négligé. Qu'importe à l'attentif. Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému. Il n'y a pas d'ombre maligne sur la barque chavirée. Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays. On n'emprunte que ce qui peut se rendre augmenté. Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays. Les branches sont libres de n'avoir pas de fruits. On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur. Dans mon pays, on remercie."

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