Quantcast
Channel: Les commentaires de Pointscommuns.com
Viewing all articles
Browse latest Browse all 5180

LA TRINITE DU CREDIT ET DU CREDO (2) par Jules Elysard

$
0
0
94ème numéro, 10ème année 2011 septembre LA TRINITE DU CREDIT ET DU CREDO (A PROPOS DES TROIS AGENCES : SUITE) « In God We Trust » Ce n’est peut-être pas un « hasard » que les Etats-Unis ont choisi de faire porter cette formule sur leurs dollars. Leurs présidents prêtent serment sur la Bible. Et début août 2011, un prétendant à la candidature républicaine a réuni ses partisans et les a invités à prier pour sortir leurs « pays » de la crise. II UN PEU D’HUMEUR Ce n’est peut-être pas un « hasard » non plus si l’oligarchie financière de ce « pays » avait dressé un monument à la gloire de l’économie : ces tours, bien que jumelles, avaient quelque chose de Babel. Elles furent baptisées World Trade Center : Centre du Commerce Mondial. Tour du destin, elles furent détruites il y aura bientôt dix ans par les fondamentalistes d’une religion concurrente qui leur contestaient cette position centrale dans le monde. Le lieu de l’écroulement fut rebaptisé Ground Zero (« Tu es poussière et tu retourneras… ») (1) On a pu parler du « génie romain dans la religion ». Le génie étatsunien est d’avoir indissolublement lié la foi en Dieu et la confiance dans le dollar. Mais il s’agit peut-être d’un mauvais génie puisque le même mot, TRUST, désigne aussi une perversion contre laquelle ce « pays » a inventé des lois anti-trusts. Plus « malin », le génie romain qui habite les langues latines continue de distinguer le crédit et le crédo, la créance et la croyance. La foi en Dieu est un impératif qui ne souffre aucune discussion. Bien sûr, des théologiens ont débattu des attributs de dieu et du sexe des anges, et de la présence d’une âme dans une créature curieuse comme la femme (peut-être cette habitude était-elle une réminiscence de la manie judaïque de discuter de tout et de son contraire ?). Mais quand le débat s’enlisait, n’importe quel théologien savait rappeler que la foi est mystère (toc) et que, d’abord, ce qui importe en définitive, c’est la foi du charbonnier (retoc). Le crédit, lui, qui était aussi connu dans l’antiquité, mais il restait profane, même quand il a connu son essor avec les banques italiennes (et les assurances) au Moyen Age. A cette époque, il n’existait aucun salut en dehors de la religion et toute activité profane était soumise à l’autorité de dieu, au sacré. Il fallu attendre l’avènement de la bourgeoisie pour qu’on attirât l’attention sur le caractère sacré de toute propriété privée. Et ces dernières années, le crédit, une manifestation particulière de cette propriété privée, a connu un développement assez extravagant. Dans un livre intitulé LES TROIS ORDRES (2), Georges Duby a fait un peu de sociologie ou de politique. Il distingue dans la société du Moyen Age ceux qui prient, ceux qui font la guerre et ceux qui travaillent. L’année de la déclaration d’indépendance de ce qui deviendrait les Etats-Unis d’Amérique, Adam Smith publiait son ENQUETE SUR LA NATURE ET SUR LES CAUSES DE LA RICHESSE DES NATIONS (1776). Il distinguait trois facteurs de production : la Terre, le Travail et le Capital. Ce faisant, il faisait aussi un peu de sociologie et de politique puisqu’il leur attribuait des formes distinctes de rétribution : la Rente, le Salaire, le Profit et l’Intérêt. C’est ici que les choses se compliquent : il y en a quatre. Apparemment. Les choses sont très simples en réalité. (Mettons de côté la Terre et la Rente. Nous y reviendrons une autre fois.) Le Profit et l’Intérêt sont deux rétributions rattachées au seul Capital. Mais le Capital a ceci de merveilleux qu’il peu prendre plusieurs formes : il peut être fixe ou circulant. Et le Capitaliste peut avoir plusieurs figures : celles de l’industriel, du commerçant, de l’Entrepreneur ; et celles du banquier, de l’investisseur. Schumpeter, au début du XXè siècle (3) , avec l’audace qu’on lui connaît, distingua l’Entrepreneur et le Capitaliste. Le Profit devenait la rétribution du seul Entrepreneur, au sens nouveau que lui donnait l’auteur. En effet, à la « trinité » classique des facteurs de production il apportait une innovation : Travail, Capital et Innovation, justement. On sait ce que le management moderne doit à cette théorie puisqu’un Entrepreneur contemporain qui se respecte peut prétendre au Profit pour ses Innovations ; à l’Intérêt pour le Capital qu’il investit dans ses affaires ; et même à un Salaire pour son activité de manager. Dans ce même livre, Schumpeter consacrait aussi de nombreuses pages au Crédit. Cent ans plus tard, on ne sait quel regard il reporterait sur l’évolution de ce qu’il faut bien appeler le capitalisme ou la société (spectaculaire) marchande. L’industrie s’est mondialisée et financiarisée. Les banques se sont industrialisées. L’innovation technologique avait permis le développement de l’industrie de plus en plus sophistiquée ; puis l’innovation « managériale » (techniques de vente, manipulations psychologiques, publicité et marketing…) avait fait exploser le commerce mondial ; enfin, l’innovation mathématique, l’invention de produits dérivés, ont permis à la sphère financière de croître dans des proportions astronomiques et de croire (et de faire croire) à une croissance sans fin (et sans fins). C’est cela qu’on appelle mondialisation (en français) et globalisation (en anglais). Mais le crédit, qui était depuis le Moyen Age italien l’affaire des banques et des assurances, est aussi une affaire de psychologie et de morale, même, de morale du capitalisme. L’investissement peut être financier ou affectif. Une créance, c’est une croyance qu’on voudrait sonnante et qui est parfois trébuchante. Mais la foi dans le Marché ou dans le dollar (ou dans l’euro) n’est pas impératif qui ne souffre aucune discussion. Et la confiance des Investisseurs n’est pas la foi du charbonnier. Au contraire, le Marché, les Investisseurs, la « communauté financière » (comme on dit la « communauté de l’anneau) demande à être rassurés. Et les sociétés de réassurance ne suffisent pas à cette tache. Le Crédit, c’est la respiration qui fait marcher le monde et le commerce, l’huile qui fait tourner le moteur de la croissance. Certes. Mais l’autre face du Crédit, c’est la Dette. Bon. Ce n’est pas le Diable. Ou alors, comme il y a de bons diables, il y a de bonnes Dettes, et un bon cholestérol. Ce serait aux théologiens d’en décider, de dire le dogme, mais la foi dans le Marché ne se paie pas de mots et d’images pieuses. Elle veut des chiffres et de jolies courbes de croissance. Entre les banques et les bourses (les faciliteurs du Crédit), il y avait les économistes (les théologiens ?) ; puis sont apparus les cabinets d’audit (les vicaires généraux ?) et les agences de notation (sorte d’inquisition ?), chargées de « contrôler », de « surveiller » la Dette, de dire la « mode », la « norme comptable » du moment, si ce n’est le dogme. Mais certains cabinets d’audit pratiquaient aussi le « conseil » (la vente des indulgences ?) auprès de leurs clients (Enron ron ron et les comptes d’Andersen). Puis les analystes financiers (de grands mystiques), mathématiciens innovateurs, avaient découvert de multiples produits dérivés, les effets « levier » et, bien sûr, le hors-bilan. Les agences de notation se donc trouvées en première ligne. Elles attribuent donc des notes (Ah ah ah) à des Entreprises (qui les paient pour ça) et à des Etats (qui ne les paient pas encore). Dans un premier temps, elles ont hésité à dégradé des entreprises en vue (ENRON). Puis elles s’y sont risquées de plus, mais parfois avec un peu de retard (WOLDCOM en 2002 ; Lehman Brothers en 2007. Mais déjà en 2002, Marc Ladreit de Lacharrière, président de « la petite dernière », n’hésitait pas à menacer le « pays » dont il était issu : "Fitch a récemment lancé un avertissement : faute de procéder de façon urgente à une réforme des systèmes de retraites, la France subira, dans une quinzaine d’années, de lourdes charges pour ses finances publique, ce qui pourrait entraîner une dégradation de sa note » . (4) On sait que les autorités politiques françaises ont fini par obéir à cette injonction. Mais il convient de ne pas oublier que les analystes financiers, les cabinets d’audit et les agences de notation ne sont que des employés des maîtres du monde, de ceux qui le possèdent à travers leurs capitaux et leurs multinationales. Et que, parfois, les « autorités politique » se comportent aussi comme s’ils étaient leurs employés. La tendance forte, depuis une bonne trentaine d’années, c’est l’offensive victorieuse des classes capitalistes sur les classes laborieuses. Ce que Warren Buffet formulait plus sobrement en 2006 : « La guerre des classes existe, c’est un fait, mais c’est la mienne, celle des riches, qui mène cette guerre et nous sommes en train de la remporter » Cette évolution aboutit depuis quelques années à mettre face à face deux classes de propriétaires et deux empires : les Etats-Unis d’Amérique, terre d’élection du capitalisme, et la Chine, toujours officiellement « communiste ». Il est à remarquer que les Etats, comme formations juridiques, ne peuvent faire l’objet d’une dissolution par liquidation judiciaire. Sans être trop pompeux, on peut dire que c’est devant le tribunal de l’histoire qu’ils comparaissent, et non pas devant un vulgaire tribunal de commerce. Certains de ces Etats sont même des Etats-Nations, dotés d’une langue, d’une histoire et d’un peuple. Est-il envisageable de dissoudre certains peuples particulièrement peu méritants ? Jusqu’à présent, les modes de « dissolution » des Etats et des peuples ont été la conquête, l’asservissement, l’exil, l’anschluss, l’extermination, et toutes formes de guerres et de révolutions. Et jusque dans un passé récent, seuls les anarchistes envisageait sérieusement la dissolution de l’Etat (Lénine aussi, oui, dans L’ETAT ET LA REVOLUTION, mais c’était pour déconner pendant qu’il instaurait sa dictature sur le prolétariat). Les propriétaires du monde où nous vivons auraient-ils pris au sérieux la solution que proposait Bertold Brecht en 1953? Après l'insurrection du 17 juin, Le secrétaire de l'Union des Ecrivains Fit distribuer des tracts dans la Stalinallée. Le peuple, y lisait-on, a par sa faute Perdu la confiance du gouvernement Et ce n'est qu'en redoublant d'efforts Qu'il peut la regagner. Ne serait-il pas Plus simple alors pour le gouvernement De dissoudre le peuple Et d'en élire un autre ? (5) (A suivre) (1) Site devenu destination touristique n°1 dix ans plus tard. (2) LES TROIS ORDRES OU L'IMAGINAIRE DU FEODALISME (1978) (3) THEORIE DE L'EVOLUTION ECONOMIQUE (1911) (4) L’EXPRESS, août 2002. (5) LA SOLUTION est le titre de ce poème.

Viewing all articles
Browse latest Browse all 5180

Trending Articles