Agnés Obel, Didier Lockwood et Vincent Ségal, Kicca.... l'agenda est déjà tiré à 4 épingles jusque décembre. Et pourtant. Au théâtre ce soir, petit spectacle d'impro.
- C'est une petite salle tu sais. Et souvent, on invite le public à participer. A monter sur scène aussi. Un jour, on m'a fait jouer une scène de drague. La cata, et la honte de sa vie pour mon fils !
T'sais bien qu'j'ai jamais su faire, draguer.
- :)
......
Ce soir encore, tu m'ouvres la porte de ta voiture. Une habitude à laquelle je me suis faite et que néanmoins j'attends, prête à dégainer le croisement de jambes et le sourire en coin qui va avec.
C'est marrant. Alors que j'avais 16 ou 17 ans et l'insolence en étendard, j'aimais cette BD de Bretecher où, face à sa fille désabusée, une mère vantait les mérites d'une jeunesse extrêmement dévouée. Un truc du genre : "à 18 ans, ça vous tient la porte de la voiture, ça dit merci, et ça recommence."
Gymnasant des gambettes donc, -comme dans un remake à la "l'ai-je bien descendu" en version originale mais rembobinée-, je ne commente pas. Plus en tout cas. Je ne voudrais pas te voler ce plaisir, dont tu as fait ton moteur, et qui est d'inviter l'autre au voyage. Et puis, paraît qu'les petits desseins, ça bat à plates coutures les grands discours. Qu'ça fait distingué et sourire plus longtemps. Le mien ce soir, il a la distinction contenue et ourlée sur la droite, en mode jubilatoire. Oui, comme ça, mais un peu plus haut.
Je m'installe. Tu remontes le coin droit de mon gilet qui s'amuserait presque à jouer les mouchoirs en dentelle savamment alanguis à tes pieds, (p'tit con !) quand une note longue, faiblissante et suraigüe vient me mourir à l'oreille.
- C'était quoi ça ?
- .... ça ?
- Bin, un drôle de bruit dans ta voiture, comme une sirène !
- Ca ? C'est Yom !
- ? ... c'est quoi Yom ?
- Ah tu connais pas ?
Et là....
Là, éclate en cavalcade, en pétillance Molotov, une débauche de notes déguisée en troupeau de gnous qui me broyent le plexus et me dévalent les reliefs à toute berzingue.
Je suis happée par la transe à la fois pudique et insensée d'une clarinette, dont il semble qu'elle sache, à elle seule, faire "chanter les lamentations" typiques du Klezmer.
D'une virtuosité délirante.
Les caprices d'une liaison dangereuse soumettent déjà mon rythme cardiaque. La musique vient de déplacer mon centre de gravité. Mon pote a démarré un CD, et quelques roues qui vont autour.
J'sais plus combien, là j'sais plus compter.
Malgré deux tentatives d'accident ratées, et un rythme cardiaque qui sait maintenant qu'il ne va pas finir centenaire, rien n'y fait. Comme ces grands oiseaux qui jouent avec les courants d'air chaud et ascendants, je flotte dans cette sorte d'espace qui vous enroule, vous entraîne, où vous vous découvrez en vie, avec cette sensation d'être et d'y être bien.
Cette musqiue me soumet et pourtant ne m'impose rien. Elle sait qu'il me serait impossible de l'apprécier si elle choisissait de me voler ma liberté. Cette liberté de me sentir exister dans des sensations nouvelles, et qui m'enivrent à un point que je ne sais quel sens leur accorder.
Cette musique aussi sait que séduire se vit dans la satisfaction que l'on prend au plaisir de l'autre à entrer en voyage.
Je sais juste à cet instant que je ne veux plus atterrir.
- Salut. Alors remise de cette soirée ? Euh...Tu sais, c't'après-midi, j'ai dragué au téléphone.
- Naaan ? Raconte ! :)
- Elle avait une de ces voix ! pleine de sensualité. Tu sais, j'crois qu'une personne ressemble à sa voix, ça peut pas être autrement... Si ça tombe, elle a 60 ans, et...
- :)
- Elle m'a donné son adresse mail. Ce soir, je vais lui écrire.
La séduction passe toujours par l'ouverture d'une porte.
Qu'elle soit, d'ailleurs, "ou verte ou d'une autre couleur." (Pierre Dac).
Merci Phil !
http://youtu.be/3Ag4diSHHMQ
http://youtu.be/0_OF1_SKwzs
http://youtu.be/YKoUj6nT-Jw
http://youtu.be/3y_WreoMPDM
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