Jaime la poésie.
Vous me direz que vous vous en foutez et vous aurez bien raison.
Je le dis quand même : cest en écrivant et en butinant sur ce site que je me mets bien des idées au clair.
Jaime lire la poésie
Jen lis peu, très peu à la fois
et lentement
trèèès lentement
En général je ny comprends à peu près rien.
Je relis, je laisse : une étrangeté est là.
Jaime les poètes : ils ne nous servent pas du pré-digéré, ils prennent garde à ne pas mettre trop de sucs gastriques dans leur cuisine interne.
Plus tard, après une minute, une heure, un jour, un an, jy reviens.
Cet univers est clos, je lui tourne autour.
Il y a là une façon, une tournure, une nature
une musique
Je comprends et je ne comprends pas ;
Parfois il ny que deux mots qui me vrillent le neurone mais laltérité est là, il y a du mystère, ça mintéresse.
Jessaie douvrir la porte, elle s'entrebâille, je saisis un truc.
Une fenêtre de tir sest ouverte (type Cap-Canaveral).
Puis cest là
ça maccompagne, ça me colle aux basques, parfois ça me tatoue à vie.
Jaime la poésie : elle « moblige » à rester éveillé, naïf, elle me garde une fraîcheur, elle me fait « sentir lamour devant tout ce qui passe, ne point passer » ; elle avive mes couleurs.
Bref, chaque fois je réapprends à l'aimer.
Ce matin dans le métro en partant signer tout un tas de papelards rédigés dans un style très comique la langue administrative- je reprends le Gai Savoir, page au hasard, que telle occasion me fit feuilleter il y a quelques jours, ici-même.
« Il faut apprendre à aimer
voici ce qui nous arrive dans le domaine musical : il faut avant tout apprendre à entendre une figure, une mélodie, savoir la discerner par louïe, la distinguer et la délimiter en tant quune vie en soi : ensuite il faut de leffort et de la bonne volonté pour la supporter, en dépit de son étrangeté, user de patience pour son regard et pour son expression, de tendresse pour ce quelle a de singulier ;
- vient enfin le moment où nous y sommes habitués, où nous lattendons, où nous sentons quelle nous manquerait si elle faisait défaut ; et désormais elle ne cesse pas dexercer sur nous sa contrainte et sa fascination jusquà ce quelle ait fait de nous ses amants humbles et ravis, qui ne conçoivent de meilleure chose au monde et ne désirent plus quelle-même, et rien quelle-même.
Mais ce n est pas quen musique que ceci nous arrive : cest justement de la sorte que nous avons appris à aimer tous les objets que nous aimons maintenant.
Nous finissons toujours par être récompensés par notre bonne volonté, notre patience, notre équité, notre tendresse envers létrangeté, du fait que létrangeté peu à peu se dévoile et vient soffrir à nous en tant que nouvelle et indicible beauté : - cest là sa gratitude pour notre hospitalité.
Qui saime soi-même ny sera parvenu que par cette voie : il nen est point dautre. Lamour aussi doit sapprendre »
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« Sentir lamour devant tout ce qui passe, ne point passer ! » tiré d « Au bord de leau » de Sully Prudhomme, poème mis en musique par Fauré
http://www.youtube.com/watch?v=P2rD8prRaHs : par Gérard Souzay
http://www.youtube.com/watch?v=N-_4AgDnPuI : par Véronique Gens
Je peux aussi, avec bonheur, accompagner de mon piano toute rose soprano qui voudrait maider à ce que mes couleurs ne passent point
la partition ici :
http://petrucci.mus.auth.gr/imglnks/usimg/3/3b/IMSLP24104-PMLP54682-Faur___-_Au_
bord_de_l_eau__Op._8__No._1__c-sharp_.pdf
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