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La tondue par Genese

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C’est une photo mondialement connue. Elle fut dans tous les magazines, elle est aujourd’hui dans les livres d’histoire et les manuels scolaires. Elle a été prise le 16 aout 1944, à Chartres, par celui qui deviendra le plus grand photojournaliste de guerre du XXè siècle et fondateur de l’agence Magnum, Robert Capa. Capa a débarqué le 6 juin 1944, avec la première vague américaine. Le 16 aout, il est à Chartres. A l’aube, les FFI y ont exécuté 3 collaborateurs. A midi, 10 femmes sont tondues dans la cour de la préfecture. On ordonne de reconduire une famille. La foule la suit, Capa court à la rencontre de cette procession. Le génie de Capa s’exprime en une seconde : le cadrage est parfait, la composition ferait croire à un film. Ce n’est pourtant que la réalité. Une réalité crue, violente. Au centre, une jeune femme, rasée, le front marqué au fer rouge. Dans ses bras, elle regarde son bébé, pour échapper sans doute au cynisme du policier – qui la veille était encore aux ordres de Vichy- et qui se penche vers elle. Au premier plan, en un triangle parfait, surtout des femmes, qui rigoles, vengeresses. Au fond, une foule compacte. Cette photo est un « chef d’œuvre » dramatique. « La tondue de Chartes » sera d’abord publiée dans LIFE, puis partout dans le monde, devenant le symbole de cette peu glorieuse page de la libération : l’épuration. L’épuration et son symbole ; 20 000 femmes tondues, jusqu’au début de 1946. Aujourd’hui, un livre d’enquête vient d’être publié sur cette photo. Œuvre de deux chartrains, dont un historien, il part à la rencontre de la tondue de Chartres. Sans juger. Une histoire, où le bien et le mal sont complexes à discerner. Ce sont plutôt des palettes de gris que l’on découvre. La tondue, c’est Simone Touseau. Elle a 23 ans. Le père du bébé, qui a trois mois, est un soldat allemand. Simone Touseau a obtenu un bac de littérature française et allemande en 1941. Elle trouve un emploi d’interprète. Puis rencontre Erich, qui gère la librairie allemande. Le début d’un grand amour. Quand celui-ci est blessé sur le front de l’Est, elle part travailler en Allemagne pour le trouver. Elle le trouve effectivement, et tombe enceinte. Rapatriée, elle fait alors ce que personne ne lui demande : elle adhère au Parti Populaire Français de Jacques Doriot, le plus nazi des français. Il y a pire encore : En février 1943, 5 de ses voisins sont dénoncés pour avoir écouté radio Londres. Ils sont déportés et deux ne reviendront pas. C’est Simone qu’on accuse en 1944. Elle sera acquittée en novembre 1946, par manque de preuve, et frappée de 10 ans d’indignité nationale en 1947. On sait aujourd’hui que ce n’était pas elle qui les avait dénoncés. Simone Touseau, c’est l’histoire d’une jeune fille, tombée follement amoureuse d’un soldat allemand, et de ses errements face à l’idéologie qu’il servait. C’est celle de 20 000 femmes, tondues parce qu’elles avaient couché avec un allemand –ou pas d’ailleurs-, des accusations pleines de non-dits, celles d’un camouflet pour la « virilité » des français, analysent les historiens aujourd’hui. Et si les historiens analysent, si Capa prend des instantanés, il y a aussi les mots des poètes. Courts mais tout aussi forts que les photos de Capa. Paul Eluard, écrit ainsi, en exergue à son poème « Comprenne qui voudra », publié en décembre 1944 dans les lettres françaises, puis dans son recueil « Au rendez-vous allemand » : « En ce temps-là, pour ne pas châtier les coupables, on maltraitait les filles. On alla même jusqu’à les tondre » « Comprenne qui voudra Moi mon remords ce fut La malheureuse qui resta Sur le pavé La victime raisonnable À la robe déchirée Au regard d’enfant perdue Découronnée défigurée Celle qui ressemble aux morts Qui sont morts pour être aimés Une fille faite pour un bouquet Et couverte Du noir crachat des ténèbres Une fille galante Comme une aurore de premier mai La plus aimable bête Souillée et qui n’a pas compris Qu’elle est souillée Une bête prise au piège Des amateurs de beauté Et ma mère la femme Voudrait bien dorloter Cette image idéale De son malheur sur terre » Epilogue Simone Touseau est morte en 1966, à 44 ans, détruite par l’alcool. Bien plus que la prison, c’est l'humiliation et la mort de son amant qui l’avaient anéantie. La photo de Capa gêna longtemps. Quant au poème d’Eluard, on voudra surtout se souvenir de l’hommage à Gabriel Peri dans le même recueil. Mais en 1969, un autre évènement tragique le met en lumière : Gabrielle Russier, une jeune prof a été condamnée pour avoir vécu une histoire d’amour intense avec un de ses élèves. Elle s’est suicidée. Interrogé en conférence de presse télévisée, le président Pompidou, après un long silence, répondra en citant les premiers vers de « Comprenne qui pourra » La photo (Acquise par la Bibliothèque Nationale de France en 1964) http://expositions.bnf.fr/capa/grand/161.htm Le livre La tondue 1944-1947, Gérard Leray et Philippe Frétigné, éditions Vendémiaire, 220 pages

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