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Aimer les hommes (5) : les « Furious Fifties » par Coucou c est ginou

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Ils se (re)mettent au vélo. Pour le plaisir, ils disent. Mais non, c’est pas maso ! Si tu savais comme on est bien, après ! (Wé. Vous auriez bien un sport à leur suggérer où on est bien, aussi, et pas seulement après. C’est pas qu’ils soient pas au courant, d’ailleurs. Bizarrement ça semble pas les intéresser autant.) Ils sont très très occupés. Parfois on peut entendre en sourdine, dans leur voix, « occupé » comme « territoire occupé ». L’activisme comme une police étrangère, qui fait la loi. Mais juste en sourdine, hein. La voix ferme. Ils se verraient bien… ministre, ben oui, qu’est-ce que tu crois, je suis pas mal placé — ils sont prêts, l’expérience, maturité, pleine possession de mes moyens, des choses à apporter, une certaine vision, toussa. Ou président, certains. Ou maire, ou tiens, premier adjoint, ou président de l’association du quartier, c’est selon, mais aux affaires, hein. Donner enfin ma pleine mesure. Monter ma boite, au lieu de perdre mon temps (ma belle jeunesse), y a un créneau, là, un bon créneau et avec mon expérience, maturité, pleine possession etc. Ils se mettent au régime : c’était pas eux, cet embonpoint accumulé, eux c’est la minceur et le muscle, l’énergie, pourquoi ils s’étaient laissés aller comme ça ils savent pas mais ils se sont repris en main, là. (vous vous prenez à rêver devant cette image délicieuse de l’homme qui se prend en main, tiens donc, quelle charmante expression…) Avec leurs enfants ils sont un peu sur la réserve. "Moitié figue, moitié raisin". Pourraient commencer à comprendre qu’ils ont un peu échoué, avec eux. Que leur fils sera jamais comme ils ont rêvé. Que leur fille ressemble quand même pas mal à sa mère (misère !). Ce genre de truc. Préfèrent encore éviter d’y penser. En sont pas encore à se dire que c’est pas grave, en fait. Que, même, c’est plutôt mieux comme ça. Pas encore, non. Ce qu’ils voudraient bien, c’est tomber amoureux : leur femme les a quitté, ou ils l’ont quittée, de toute façon « c’était plus ça ». Ou sinon de toute façon, « c’est plus ça ». Ils vont la quitter. Ou pas. Mais de toute façon, ils voudraient bien tomber amoureux. D’une femme belle et intelligente, brillante quoi, une qui brille de mille feux. S’enflammer pour une. (Dans quelques années ce sera « une douce et féminine », mais là non, pas encore.) Leur père va mourir. Ou leur mère. Ou vient de. « va mourir », ça peut durer un moment, long. Mais, « va », c’est sûr maintenant. Quelque chose a cogné, là. Un cancer, une absence, une alerte, un rien peut-être, mais ça a cogné, peuvent plus l’ignorer. Ça va bientôt être trop tard pour. Essaient de. D’éviter de. Et de s’y coller, aussi. Stratégie paradoxale, tentation de clivage, besoin de transfert. Pourraient voir du côté de la psychanalyse, pourraient. Voudraient bien plutôt tomber amoureux, transfert pour transfert… Tombent, parfois. Et commencent à comprendre que tout le travail reste à faire. À pas vouloir. À pas vouloir comprendre. Vous en voyez plein, avec quelques années de plus, qui ont loupé le coche : sont devenus de vieux emmerdeurs. Serrent les dents, les fesses. Font du vélo, plus seulement le dimanche matin, mais en semaine, aussi, et en bande (mais sans Paulette). Est-ce qu’ils bandent encore ? La question est devenue incongrue. Ne veulent plus du tout tomber amoureux. La fâââme a un profil d’aide soignante, désormais (et ça devient dur de trouver de bons domestiques, de nos jours). Ont choisi le pouvoir. Déplorent le reste du monde. Essaient d’acheter de l’amour filial (se l’avoueraient pour rien au monde), ou à défaut du respect, en bidouillant avec les promesses d’héritage. Trouvent que les valeurs se perdent. Sont raides de partout. Presque. Il y en a pas mal. Tourné vinaigre. Avec ce casque ridicule sur la tête, et je parle même pas du cuissard à bretelles… Mais eux, vous êtes confiante. Sont de bons crus, finiront par bien vieillir. Deviendront souples, tendres, puissants, savoureux. Faut patienter. Pas toucher le bouchon. Ça peut prendre quelques années. Se contenter d’admirer les reflets à travers le flacon (faites abstraction du casque et du cuissard), de supputer le bouquet à venir. Vous êtes confiante. C’est votre frangin, votre pote, votre (ancien) mari, votre (ancien) amant, vous le connaissez, vous savez qu’il a de la charpente, encore plein d’arômes à déployer, suffit de patienter. Vous avez appris à patienter. J’essaie juste de pas trop penser à Michel, à Antoine, à mon père… et que des fois on a juste le temps d'y goûter, avant que le flacon se brise. http://www.youtube.com/watch?v=DcFYX-7QXNY

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