Seigneur, ayez pitié, pas moi et pas ici :
je ne veux pas être des leurs, être l'élu ,
Seigneur, par charité, cette fois seule, non merci ,
je ne veux pas être le Chef, moi l'inconnu
qui cette fois seule refait sa vie devant eux tous,
remontant, brave et calme, le cours de ma mémoire ;
je veux lire du Tchékov, et goûter de mon pouce
dressé vers ta demeure une vie sans histoire ,
loin de ces impétrants qui nous veulent guider
par bulles et nunc devant des foules en liesses,
foin des papamobiles et des gardes dressés
devant ceux-là qui croient que je sais leur détresse ...
Non, pas moi, ici, pas moi après Saint Pierre :
je ne veux pas, je ne veux plus !
Papa moi, en soutane blanche avec mon ministère,
en simple bon Jésuite je me sens tout perdu :
Sainte Marie, ayez de belles paroles
devant les trônes, saints, vertus, dominations !
Saintes et saints, soyez loin des idoles,
ma simple et douce prière, que ce soit bien le " Non ! "
Je ne veux pas de vos délires, j'ai été bon apôtre,
priant avec ferveur pour tous ceux que j'aimais
ou que je n'aimais pas, choissisez-en un autre :
pas moi, pas moi, Seigneur, O Toi qui me connais,
je désire voir ma mère et ma soeur et les planches,
attendre la mouette devant de rouges velours,
aiguisant du théâtre l'admirable peur blanche,
je ne veux pas tout seul user de ton Amour .
Je ne suis qu'un petit grand dindon de la farce :
oublie-moi, Toi Très Haut, moi qui suis tout petit,
le premier et dernier, ah mais brisons sur place
que je ne dise plus que ton sort m'a trahi ...
Bénissez-moi, O Ciel, que je reste Jésuite,
( petit Jésuite obscur au fond d'un ordre triste ) ,
mais fier d'être oublié, Sainte Vierge Casuiste,
j'ai vrai désir de vivre et non plus à mourir !
Avec dévotion,
Lucius Premier, Pape des sans-église ...
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