Le 23 octobre était un jour mémorable dans l 'histoire de la Tunisie: pour la première fois de notre histoire on a eu de vraies élections libres et surtout transparentes .
Ce jour-là, je me suis réveillée tôt, à 7heures et quart j 'étais à l 'école primaire de mon quartier, où j'allais voter pour la première fois de ma vie, moi âgée de 53 ans!
Je pensais que je serai parmi les premiers, je ne voulais pas faire la queue longtemps. D'après les élections passées, les Tunisiens viennent surtout l 'après midi pour voter.
Je me suis trompée: il y avais déjà une longue queue devant chacune des quatre salles. j 'ai attendu deux heures pour voter. J 'en étais émue, j 'ai demandé au responsable si je pourrais me faire prendre en photo pour mémoriser cet instant tant attendu, il m 'a dit que c 'est interdit. Je suis rentrée chez moi me coller devant la télé pour suivre les événements.
Ce jour là je n 'ai pas rangé ma maison, je n 'ai pas préparé à manger, je n 'ai pas dormi.....
Les résultats ont commencé à affluer au compte goutte, puisque c 'était la première expérience du genre, et l 'ISIE l(Instance Supérieure Indépendante des Elections) prenait tout son temps pour ne pas commettre de fautes.
La nuit du 23 les plaintes ont commencé à affluer sur les abus de certains partis et surtout Annahdha, on a parlé du non respect du silence électoral, le non respect des directives électorales par certains responsables de bureaux de votes qui ont essayé d'influencer certains électeurs, d'argent distribué aux pauvres pour acheter leur voix, du mouton de l 'Aïd promis à d'autres...
L 'effervescence a redoublé le lendemain lundi où beaucoup de jeunes étaient venus protester devant le siège de l 'ISIE et demander aux responsables de prendre tout de suite les mesures nécessaires contre les partis qui ont commis ces infractions.
Les résultats partiels, deux jours après les élections, étaient plus clairs: Annahdha était à la première place, avec une majorité écrasante qui peut dépasser les 40% des électeurs, vient par la suite Le CPR ( Congrès Pour la République) en deuxième position, et d'après les estimations La Pétition Populaire, serait en 3ème position.
Cette Pétition était la surprise pour tout le monde, l 'énorme surprise que personne n'a vue venir: ni hommes politiques, ni analystes politiques, ni élites, bref, elle nous est tombée du ciel britannique, puisque son leader n 'est autre que Hachmi Hamdi, ancien Nahdhaoui, qui s'est enfui ver la Grande Bretagne, où il a fondé un journal ensuite, il s'est allié à Ben Ali et pour se faire pardonner, il a utilisé sa chaîne de télé "Al Moustakella", pour blanchir Ben Ali, et d'où il a dirigé sa campagne électorale, 24 heures sur 24 en commettant une autre infraction de la loi électorale qui interdit l 'utilisation d'une chaîne de télé étrangère pour la propagande électorale.
Mais ce n 'est pas ça l 'important: comment il a pu obtenir , à ce qu'on dit , une vingtaine de sièges dans la constituante? Alors que de grands partis connus dont le PDP ( Parti Démocrate Progressiste) ont lamentablement échoué?
Il y a eu des interview par des internautes et quelques journalistes qui sont allés trouver une explication à ce mystère auprès des gens qui ont voté pour cette Pétition Populaire.
C 'était en grande majorité des gens des profondeurs de la Tunisie, oubliés de tout le monde, y compris des partis progressistes qui, il faut le dire, n 'avaient pas les moyens suffisants et dont beaucoup ont payé cette campagne de leurs poches, contrairement à Annahdha dont l 'argent qu'elle dépensait à profusion depuis des mois suscitait beaucoup d'interrogations ( chez les naïfs).
Il s'est avéré que Ce Hamdi leur a promis , dès l 'apparition des résultats des élections, 200 dinars pour chaque chômeur, des soins médicaux gratuits, transport gratuit... et plein d'autres promesses ....si bien que beaucoup de ces pauvres gens naïfs et illettrés, sont allés, le lundi matin ,dans les dispensaires pensant qu'ils pourraient se faire soigner gratuitement.
Je passais et je passe encore de longues heures sur Facebook, pour avoir une idée générales des réactions des électeurs.Mes constatations sont les suivante:
Une grande partie des électeurs qui ont voté pour les partis progressistes sont énormément déçus, ils pleurnichent, se lamentent, et voient déjà l 'application de la charia en Tunisie, certains parlent même de quitter la Tunisie. D'autres, une minorité dont je fais partie, appellent à l'autocritique des partis progressistes et des militants de gauche
et à la révision totale de leur vision du paysage électoral, et de leurs méthodes d'approcher les électeurs....
De l 'autre côté, il y avait les Nahdhaouis qui jubilaient et croyaient en grande majorité que ce succès est celui des croyants contre les mécréants, de l'identité arabo-musulmane contre les lèches-bottes de la France. Certains commencent même déjà à parler de polygamie en Tunisie ....
Les leaders de Annahdha ont essayé d'adopter un discours rassurant, insistant sur le fait que les acquis de la femme ne seront pas touchés, que la nouvelle constitution respectera la modernité de notre pays......
Bref, les Tunisiens , que les élections ont unis le 23 octobre, sont maintenant partagés. Il y a eu la nuit d'hier des manifestations à Menzel Bouzayène, au centre de la Tunisie, où des jeunes appellent à une nouvelle révolution.
On voulait la démocratie, on l 'a eu!
Quelqu'un a dit que les urnes n 'ont pas bien parlé, je lui ai répondu que ces urnes étaient muettes durant 60 ans, on parlait à leur place, mais aujourd'hui, elles sont nées à nouveau, elles commencent à balbutier, il nous incombe à nous qui croyons fermement à la démocratie et à la modernité, de leur apprendre à bien parler.
On a accepté les règles du jeu, on doit accepter les résultats des urnes.
Cette gifle était nécessaire à la gauche tunisienne et aux progressistes qui n'ont pas su trouver un terrain d'entente pour s'unir en front contre les Islamistes, qui ( les progressistes)n'ont pas su être à l 'écoute de la majorité du peuple en grande parti non cultivé politiquement, ils ont adopté un discours compris seulement des élites et ont parlé de laïcité, notion inconnue de la majorité des Tunisiens même des gens instruits, notion s
que les Islamistes ont utilisée contre nous en faisant naître exprès dans l 'esprit des gens la confusion entre laïque et athée, si bien qu'on entend souvent cette phrase de la bouche de beaucoup de gens " je ne voterai pas pour quelqu'un qui ne reconnait pas l 'existence de Dieu" .
Le résultat est là, il faut l 'accepter, on n 'a pas intérêt à mettre notre pays à feu et à sang, mais on doit dès cet instant s'unir pour préparer les étapes à venir.
on m 'a demandé si je vais quitter la Tunisie, maintenant que Annahdha est au pouvoir. J 'ai répondu que jamais je ne quitterai mon pays, j 'y suis née, j 'y mourrai en défendant ma liberté et mes acquis de femme.
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