Huit heures, heure d'hiver
Gazouillis, pépiements dans le ciel gris du matin qui à peine s'éclaire
Sautillements, virevoltes sur les branches élastiques et tendres de l'érable
Mouvement de balançoire des minuscules équilibristes
Les martinets sombres devisent en nombre
Les moineaux couleur de terre s'ébrouent comme des sauterelles
Un couple de pies en smoking blanc et noir foule grâvement le pré
Quelques pigeons s'élancent du dessous des toits en roucoulades
Un corbeau se pose croix noire sur le muret, croassant brièvement
Les pies, soudain, jacassent d'un son mat
De longues trilles s'élèvent, s'enroulent et se déroulent
Quelques trissent retentissent et s'égrisent
La chatte à la fenêtre écoute de tout son être
Module son gosier et caquète quelques appels désespérés
La prunelle pâle darde dans la pénombre
Le souffle court soulève sa poitrine étroite
Je m'enfonce dans le rocking chair avec quelques aiguillées de fil vert
Et m'affaire maille à maille aux reprises de quelques pulls troués
Mohair, acrylique, polyamide livrés à l'appétit de mites avides
A chacun ses invisibles nids et indiscrètes infamies
Trois points virgules fouettent l'air à toute allure
Oserais-je les nommer martinets?
- Salut les piafs, je peux vous appeler passereaux?
- Ca tombe bien, on n'y connait rien en humain!
Sans me démonter je poursuis dans le vert :
- Salut l'arbre, je peux t'appeler "érable"?
- Trop aimable, mais je suis un tremble!
- Soit un tremble qui se porte comme un charme...
Le tremble vénérable frémit et s'époussette en quelques rires jaunis
Les feuilles se balancent et chutent graciles sur l'asphalte
- Tu écris?
- J'écris, oui!
J'aimerais parler aux alouettes, aux rossignols, aux fauvettes
Aux bouvreuils, aux pinsons, aux rouges-gorges, aux martinets
J'aimerais parler aux deux cèdres du Liban, à l'arbre rougeoyant
Aux érables, aux trembles, aux charmes, au jardin tout entier!
J'aimerais parler à la terre, la planète voire l'univers!
- Mazette! Tout parle, alors écoute, savoure l'heure d'hiver
Regarde, surprend! Tout est à toi qui ne fait que passer
De l'enfance à l'automne, contente-toi, réjouis-toi d'aimer.
- Merci l'arbre! Toi tu sais me parler!
Je dois encore parler aux mites, aux objets et aux humains
C'est vrai, je ne fais que passer
D'une vie à une autre et à l'heure d'hiver
Je saurais m'en contenter du moins je l'espère!
V.V
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