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Il est allé pour prendre un ris par Seleucie

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Moi, je ne connaissais que la terre. Rouge, poudroyante sous le soleil, parsemée de petites touffes d’herbe résistante et d’épluchures de poubelles renversées par les grands. Depuis 2 mois que maman me repoussait, sous prétexte que j’étais trop grand et que mes dents lui faisaient mal, j’avais appris à bien les renifler, ces épluchures. Comme une corne d’abondance qui recelait des trésors de victuailles odorantes. Et puis, Elle est arrivée et m’a emmené. De l’autre côté de la mer, qu’Elle disait. Vers une autre terre, moins rouge, privée de poudroiement, de soleil, d’épluchures, mais où Elle me faisait miroiter des gamelles toujours pleines, des coussins moelleux et des couvertures pelotonnées au coin du feu. Seulement, pour y arriver, dans cette autre terre, il fallait traverser la mer. On s’est retrouvés tous les deux tous seuls sur une espèce d’immense machine, au sol glissant, pour laquelle j’ai ressenti une immense défiance dès que j’ai posé une patte dessus . Elle m’a expliqué les endroits où j’avais le droit d’aller et ceux où il ne fallait surtout pas que je fourre mon museau –où Elle allait bien, pourtant, Elle- et puis Elle a fait comme si je n’existais pas. J’ai senti l’immense machine qui se mettait à vibrer de partout, à démarrer à petite allure, puis qui prenait de l’élan et partait comme un de ces grands oiseaux que je voyais, là-bas, chez nous, mais avec un mouvement de bascule d’avant en arrière terrible. Je me suis calé dans un coin, où il y avait un petit placard et j’ai attendu que le monde s’arrête de bouger. Je ne sais pas pourquoi, j’avais l’impression que j’allais dégurgiter toute la gamelle qu’Elle m’avait donnée juste avant qu’on se retrouve sur cette machine infernale. Pourtant, elle était bonne, cette gamelle. Odorante comme mes chères épluchures, mais avec une consistance beaucoup plus agréable pour mes petites dents et mon fin palais. Le monde n’a pas arrêté de bouger, mais petit à petit, je me suis habitué. On a trouvé notre rythme, Elle et moi. Souvent, Elle allait dehors, là où je n’avais pas le droit de mettre le museau. Ou alors, Elle était dans la pièce, à côté de moi, mais occupée. Mais il y avait aussi des moments où Elle avait le temps de venir vers moi, sur le coussin où je grimpais m’installer et qui commençait à prendre ma forme, de me faire la conversation tout bas, de me passer les doigts légèrement juste à l’endroit où je ne peux pas me lécher, entre les deux oreilles. Jusqu’à cette nuit où Elle s’est levée pour sortir comme elle le faisait de temps en temps. J’avais bien compris que c’était parce qu’Elle n’avait pas de litière comme moi. Comme d’habitude, Elle a attrapé son nouveau téléphone portable, celui qui est censé être étanche quellles ques soient les conditions, ses bottes, son ciré, mis la lampe torche sur son front et puis Elle est sortie. Je voyais bien, moi, qu’Elle dormait à moitié. Mais moi aussi. Au milieu de la nuit, bercé par les vagues, c’est bien normal, non ? Au bout de quelques minutes, j’ai entendu un grand splash, et j’ai guetté son retour pour qu’Elle m’explique. J’ai attendu, attendu, mais Elle ne revenait pas. J’avais le cœur qui battait, les mâchoires serrées, un goût bizarre dans la gorge, mais j’ai compris que c’était fini, je ne la reverrais plus. J’étais tout seul sur la grande machine qui fonçait à travers les vagues. Quand le soleil s’est levé, j’ai essayé d’aller mettre le museau dehors, là où Elle m’avait interdit de le faire. Mais c’était impossible. De l’eau m’arrivait sur la moustache, et le sol était plein d’obstacles. A un endroit, on voyait même la mer qui s’engouffrait sous la machine. Je suis rentré dans la pièce, j’ai mangé ce qui restait dans la gamelle et je me suis pelotonné sur mon coussin, tout seul face à la mer, dans une machine qui fonçait vers le large, et je me suis endormi. Le lendemain matin, je commençais à avoir très faim, alors je ne dormais que d’un œil. J’ai cru que j’hallucinais quand j’ai entendu du bruit près de ma machine. Une autre machine, avec un bruit de moteur, celle là et puis des voix. Une voix d’homme qui disait « vous êtes sûr que vous voulez le ramener à Marseille toute seule ? C’est que vous avez été bien secouée quand même. Une nuit à l’eau en hypothermie… ». Et puis des bruits de pas, à l’extérieur. Ses pas à Elle. Elle a poussé la porte, Elle est entrée dans la pièce. Elle avait un drôle d’air, ses cheveux en foutoir comme d’habitude, les yeux plissés de fatigue, mais un petit sourire de soulagement quand elle m'a aperçu. Elle était revenue pour moi. On aurait tout le temps de se raconter nos émotions. http://www.republicain-lorrain.fr/sports/2011/11/02/florence-arthaud-ma-lampe-frontale-m-a-sauvee

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