Forcément, tu veux vivre... ça m'aurait étonné que non.
De toute façon, c'est toujours au moment où tu vas crever que tu te rends compte que ça valait un peu le coup, toutes les petites tracasseries quotidiennes, les agacements, les sinuosités lassantes.
Moi, je trouve dégueulasse de m'asséner d'entrée de jeu ton envie de vivre. L'un comme l'autre nous savons que c'est pas très bien barré, et que d'ailleurs ça ne traînera pas.
Le neurochirurgien t'a soustrait l'intégralité d'un lobe cérébral. Même si ça ne se voit pas, l'IRM de contrôle est sans appel, le mal ronge encore. Imperturbable. Tenace. Têtu. Têteur de tête, inlassable. Radiothérapie adjuvante.
Je sais. Tu sais que je sais. Tu ne veux pas savoir. Je sens que tu ne veux pas savoir. Mais l'un comme l'autre nous savons. Que nous ne voulons pas en parler, encore.
J'en ai vu d'autres, de plus jeunes, de plus costauds, de plus plein de gnaque. Tous fauchés tout pareil, sans avoir plus que ça leur mot à dire. Le choc de la première agression maligne, la première récidive, la négociation avec le pronostic - trois mois ? six mois ?-, le réaménagement qui te fait encore et toujours réévaluer - "jusque là, tout va bien".
Chutes, épilepsie, hémiplégie, fauteuil, lit, lève-malade...
On ne peut pas prévoir de mourir à 39 ans. Tu as ta femme, trois filles, nous n'en avons pas parlé, trop douloureux.
Un jour, peut-être, plus tard. Si besoin. Dire l'indicible.
Combien partiront sans avoir eu le temps ?
http://youtu.be/qW7AdifqU2g
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