Peinture et musique, en bon enfant de Spinoza, voilà qui me réjouit totalement. Aussi depuis quinze jours, je vis dans une (presque) constante félicité. mais que je vous raconte.
Les Italiens du quinzième siècle d'abord. A Jacquemart-André. J'aime ce lieu qui me rappelle que les banquiers n'ont pas toujours été des fossoyeurs de l'économie. J'ai eu la chance, un jour, de tomber sur le responsable des locaux, de le séduire (oh en tout bien, tout honneur !) ce qui nous (ma soeur et moi) valut une visite guidée, commentée, bref une présentation de l'hôtel, de son histoire et de ses premiers propriétaires (je ne me souviens jamais si c'était madame André et monsieur Jacquemart... ou l'inverse). Et je n'y retourne jamais sans revoir en imagination ce couple si cultivé auquel nous devons ce cadre qui accueille avec tant d'intelligence et de goût des expositions qui ne laissent jamais indifférent.
Mais revenons à ces délicats florentins du quinzième siècle. Peintres de la lumière et de la joie dont les sujets pour religieux qu'ils aient été sont une représentation très "amicale" de la chrétienté. Bien sûr, des "vierges à l'enfant", des saints, des Christs (c'est vrai que la peinture religieuse est plutôt répétitive dans le choix de ses sujets) mais, curieusement, pas de ces scènes sanglantes où les martyrs et les martyres s'étalent dans des drapés (souvent magnifiques, il est vrai) qui pourraient servir de décors au Grand Guignol, voire de chiffons d'abattoirs. Non, , rien que du calme, de la beauté, une lumière solaire et de l'amour, beaucoup d'amour. Et; cerise sur une gâteau déjà délicieux, une salle de quelques Fra Angelico d'une beauté à vous saisir. Entre autres, un délicat portrait de moine au format rectangulaire inhabituel et un triptyque de visages de saints, (deux, trois, deux) organisé autour du visage du Christ à peine blême, portant une trace légère de sang devant lesquels on pourrait passer des heures tellement ils sont vivants. Une exposition qui nous a laissés intérieurement illuminés pour la journée.
Soit dit en passant, Paris est en ce moment prodigue en expositions à ne plus savoir où donner de la tête et des yeux. Sans doute, j'aurai l'occasion de tenter encore de vous faire partager mon plaisir.
Ah, ma "presque" félicité : Mozart ! Don Juan exécuté (c'est le terme, hélas combien approprié) par Baremboïm à la tête de l'orchestre maison pour l'ouverture de la saison à la Scala de Milan. Ciel ! Un massacre, une honte, que dis-je, une abomination ! Une direction d'orchestre inexistante, une mise en scène morne et plate, des voix qui, prises individuellement, étaient techniquement irréprochables mais qui passaient complètement à côté de la qualité dramatique de la musique et du livret. Le plus beau, le plus grand des opéras jamais écrits, rabaissé au niveau d'un exercice de lecture de solfège. De tous les "Don Juan" auxquels j'ai pu assister en soixante ans d'amour de l'art lyrique, c'est le plus inacceptable. Mais comment, diable, un honnête homme (Daniel Baremboïm, en l'occurrence) peut-il pousser l'aveuglement aussi loin et agiter une baguette dont il apparaît à tous qu'elle pourrait peut-être lui servir de canne mais certainement pas à diriger.
A ce propos, c'est aussi une marque distinctive de l'enseignement actuel de la pratique des instruments (parmi lesquels la voix) qui donne l'exclusivité à la dextérité technique; négligeant, semble-t-il, l'aspect "humain" de l'interprétation.
Par contre, quelques jours plus tard, une "Traviatta" magistralement présentée à Covent Garden, dirigée par un Italien Peppeano, magnifiquement interprétée par un groupe, non, par une équipe, tendue vers la musique et le drame, unie dans une même passion. Une réussite au point que la mort de Violetta (ce moment qui n'en finit pas, où cette pauvre tuberculeuse agonise sur des accents que seule une poitrine en parfait état est en mesure d'interpréter) se déroule en beauté sans qu'un seul instant on en soupire la durée.
Quand même ! Les Milanais assassinent Mozart et les Britanniques glorifient Verdi. Un comble, d'autant plus que quelques jours plus tard, le même chef et le même orchestre nous ont offert un généreux Barbier de Séville, plein de gaieté et d'esprit, pétillant, après des Noces très convenables dans l'après-midi.
Mais j'y pense : en ce moment la chaîne de télévision Mezzo ne cesse de présenter des opéras et je signale aux amateurs qu'il y aura des re-présentations de la Traviatta, de Salomé, du Chevalier à la Rose, de la Dame de Pique et de bien d'autres oeuvres encore, tout au long des mois de décembre et de janvier.
Voilà, j'ai tout dit... avec la partialité qui me caractérise (n'est-ce pas chère madame...!) et je vous souhaite de bonnes fêtes et beaucoup de "fortitude" en vue de l'année qui s'annonce.
A bientôt.
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