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Brèves du bout du monde par Coucou c est ginou

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C’est que, j’ai pas trop le temps. D’abord, au bout du monde comme ailleurs, les journées ont foutrement raccourci. Bah, dans trois semaine commencent à rallonger… mais en attendant ça limite ma productivité : je file sous la couette à l’heure des poules, ou quasi. Sauf si la truie s’est escapée et pas moyen de la faire réintégrer son parc, alors la voisine m’appelle en renfort (« mets des bottes et ta frontale ») et là, pousse que je te tire, elle a bouffé des glands tout l’après midi, t’as beau agiter le seau sous son nez elle s’en tape, elle, ce qu’elle veut, c’est de la présence humaine, ou à défaut la cabane d’en bas, pas celle en rondins là haut loin de tout. Bon, on a sifflé une troisième meuf et on a déménagé onze porcelets sevrés d’une semaine (et le porcelet, mazette, c’est costaud, ça s’attrape pas facile, ça couine, ça se tortille, c’est que du muscle et du ressort, dire qu’y a des gens qui s’inscrivent dans des salles de sport !), et après la truie a daigné rentrer là, c’est leur cabane qu’elle voulait, épissétout. Avant y a eu la journée chantier/pot au feu de chèvre (oui, celle qui cognait sur les chevreaux, et c’est pas faute de place pour s’ébattre et de foin et de rien du tout, juste hargneuse). Par un heureux hasard, chaque fois qu’il y a une bouffe à faire pour un chantier, j’ai une copine qui trouve que c’est juste le jour de venir faire un tour au bout du monde. Les pluches, à deux, c’est plus rigolo (quinze types et typesses qui se sont activés tout le matin, faut pas trop leur en raconter quand ils passent à table). Il faisait un temps de printemps, on s’est attablés au soleil, on était drôlement bien. Le jeudi c’est marché au bourg. Ce coup-ci je remplace une copine. Fait légèrement plus frisquette (je crois que j’ai un peu chopé la crève). Petit marché, et en plus je me suis trompée dans les commandes. Remplacer au pied levé, c’est pas si simple. J’ai eu le temps d’aller renifler quelques truffes que les gars sortent de derrière la table, dans le tupperware… bof. C’est trop tôt. Sentent guère. On attendra janvier. Avant y a eu aussi les moutons, qu’avaient pris un coup de lune et presque passé le col, là haut… ah la vie des bêtes on croirait pas, c’est animé. Je parle pas de la vie des crétins qu’ont deux maisons ou trois et trouvent rien de mieux que de rameuter la préfecture parce que quelqu’un a planté sa yourte pour pas être à la rue. Je parle pas de ça, parce que c’est pas tellement de bêtise, qu’il est question, là, juste de saloperie. « Nous au village aussi l’on a… » quelques enfoirés. Mais au bout du compte, essayer de les contenir et qu’ils embarquent pas tout le village dans leur guéguerre, c’est du boulot, autant que de déménager les porcelets à la frontale à l’heure de la soupe. Et tu piétines aussi dans la gadoue. C’est vrai qu’après, y a un moment de soulagement satisfait. Quand les vraies priorités et la solidarité reprennent leurs droits. Je vous épargne les développements sur les problèmes de logement des agriculteurs dans les alpes litrophes, où la résidence secondaire dévore le moindre bout de muret. Y aurait trop. Bon, là, avec un peu de chance ça va se tasser (au moins pour l’hiver. Le bien de l’hiver, c’est que ceux qui restent au village se serrent les coudes). En attendant quand il se lève un vent de cornecul comme ce soir, on se dit que sous la yourte ça doit faire un de ces tintamarre… Mais c’est un chez soi, sec, chaud, et tranquille (wé, malgré le vent), et ça lui plait comme ça, ça lui plait mieux qu’un lit chez un de nous autres. Bon, voilà. J’ai pas trop le temps. Je vous fais pas le détail du reste, mais ma vie a pris un tour un peu besogneux ces temps-ci, qui me limite un peu côté inspiration et baguenaudage (vous aurez sans doute remarqué comme moi, je suppose, que la saison n’est pas très propice aux impromptus sexuels). Sans compter les menus soucis pratiques, les cartouches d’encre introuvables à moins de 50 km, la prise de téléphone qui lâche et t’as aussi vite fait de la réparer (évidemment d’un accès particulièrement aisé rendant précaire la manipulation du tournevis et la recherche de cette putain de vis qui t’a échappé dans le coin le plus sombre et le plus poussiéreux, je vais me la faire greffer, la frontale, maintenant que j’ai remis la main dessus). Rien de bien palpitant, quoi. L’écriture me fuit. Je crois que j’ai quand même réussi mes coings confits, cette année. La chatte trouve que je pourrais faire cesser le vent et chauffer un peu plus (elle exagère, la cuisinière ronfle, fait chaud, mais là en principe c’est l’heure ou je chauffe la couette, et elle vient bouquiner à côté de moi. Elle lit très lentement, ça l’agace beaucoup que je tourne les pages, mais on se débrouille). Voilà, je vous en dis pas plus, même pas je me relis, j’espère que chez vous ça souffle pas trop fort, et que les bêtes sont tranquilles. Passez boire un verre quand vous voulez. Je vous embrasse. Zou, la couette.

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