Le Repas de Noël par Nadarc

Voulez-vous bien reprendre depuis le début commissaire Doriot demanda Firmin Loupion, chargé de l’interrogatoire, je vous écoute. Il m’est difficile de retrouver le fil de mon histoire répondit celui-ci. La journée avait commencé sur les chapeaux de roues ; à six heures du matin nous devions, mon équipe et moi, interpeller quatre gros revendeurs d’héroïne. Ayant surpris mon épouse en flagrant délit d’adultère dans notre lit conjugal l’avant-veille, je n’étais pas au mieux de ma forme. Le fait d’appréhender les suspects aux Marronniers où l’un de mes subordonnés a été grièvement blessé l’an dernier n’arrangeait pas les choses. J’étais hors-course et je le savais. Tout comme je savais que les caïds régnant sur la cité postent sur les toits, dès l’aube, des vigies chargées de leur signaler tout mouvement inhabituel dans le secteur. Nous ne sommes donc pas arrivés incognito comme c’était prévu au départ. Pour me donner du cœur à l’ouvrage, j’avais gobé trois pastilles bleues subtilisées dans l’armoire aux pièces à conviction. Les trafiquants informés de notre venue n’avaient pas de drogue à leur domicile. Nous sommes repartis queue basse et c’est là, sur le chemin du retour, que j’ai commencé à avoir des hallucinations. Donnant le change comme je le pouvais j’ai tenu bon jusqu’à midi et suis allé manger au self du Quai des Orfèvres avec mes collègues. C’était le repas de Noël. Je réalise maintenant que ces créatures multicolores que j’avais prises pour des boas constrictors n’étaient en fait que des guirlandes lumineuses en place pour la décoration. Mais il était trop tard, j’avais déjà dégainé mon arme de service et ouvert le feu. Il est déplorable que deux serveurs offrant l’apéritif aux fonctionnaires de police se soient trouvés sur la trajectoire des balles et plus déplorable encore qu’ils soient morts sur le coup.