Tolstoï, comme Homère, ne s'écarte jamais du ton juste. Cette citation extraite de "Guerre et Paix" confirme cette affirmation.
Je crois même que ce sont les deux seuls écrivains au monde dont l'oeuvre, tout en étant souverainement belle, ait cette parfaite adéquation à la vie, à ce que la vie a de positif, à ce qu'elle a de négatif, à ce qu'elle présente d'amusant, de gai de douloureux, de terrible, le plus souvent banal...
Extrême difficulté de garder du style pour dépeindre ce qui n'est pas commun. Beaucoup ont essayé, tous ont échoué en dehors de ces deux là, si l'on excepte quelques voix mineures, comme celle de Tchekhov. Jamais un seul effet chez Tolstoï. Il ne dépose jamais sa plume fine pour souligner au fusain.
Il nous éloigne peu à peu du rivage et captivés par l'immensité de la haute mer dont le spectacle change sans cesse tout en demeurant le même, nous ne pensons plus au bout du voyage. Tolstoï ne s'appuie pas sur des théories biscornues, comme Balzac, il ne cherche pas à résoudre son adéquation personnel comme Stendhal, il ne s'ingénie pas à tirer les ficelles comme Dickens.
Tolstoï s'assied au gouvernail, tranquillement, et raconte ce qui arrive, sans grossir les évènements, sans dire plus que ce qui est, sans se mettre en valeur par des recherches d'écriture, sans chercher d'aucune façon à paraître original. Il reste de plain-pied avec la vie, avec les choses et avec nous.
"De toutes les sciences que l'homme peut et doit savoir, la principale, c'est la science de vivre de manière à faire le moins de mal et le plus de bien possible" écivait-il.
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