Farniente, mode d'emploi par Misty44

La seule chose qui me plaisait dans le catéchisme, c’était la description du paradis : il faisait toujours beau et chaud, il y avait des fleurs et des arbres fruitiers partout et …. …on ne faisait rien… sauf croquer une pomme de temps en temps et c’est d’ailleurs là que tous les ennuis ont commencé ! On s’est fait viré de l’endroit pour des raisons obscures et depuis on est censé acheter son kilo de pommes avec l’argent qu’on gagne-à-la-sueur-de-son-front. Le travail et érigé en vertu alors que l’oisiveté et la paresse sont salement dénigrées. Or moi, qui aime le farniente, j’ai toujours gardé dans la tête l’idée d’aménager une petite place qui ressemblerait à ce paradis perdu, question de survie…pour le reste, j’ai toujours été athée, tendance anticléricale grave. Et pour le travail, j’ai fini par trouver un métier où je gagnais (mal) ma vie en faisant des choses passionnantes que j’aurais faites même sans être payée…(enfin presque...!) Quand on demande aux gens ce qu’ils font dans la vie, ils évoquent immédiatement leur profession. C’est d’ailleurs pourquoi une femme au foyer qui élève une demi-douzaine de marmots, répond toujours, d’un air gêné : moi ? Je ne travaille pas… Par contre, s’il y en a une qui va la ramener, c’est bien la nana qui n’en fout pas une ramée avec son boulot de chargée de mission au sous-secrétariat des Affaires Familiales, ayant mis sur pied un programme-de développement-du speed-dating* dans le Massif Central dans-le-cadre-de-la-lutte-contre-le-célibat-en-zone-rurale.....ouf! Faudrait comparer ! A la question posée, il est très rare que les gens parlent de leur vie tout court. Par exemple : « je fais souvent une petite sieste avant d’aller au fest-noz », ou « je passe volontiers au bistrot du port m’envoyer un p’tit blanc-cass’ après avoir acheté ma baguette». Ca n’intéresse personne… et pourtant, c’est beaucoup plus sympa que de dire qu’on est prof de physique-chimie dans la zup de Sarcelles, ou P.D.G d’une entreprise qui fabrique des raccords de pompes à vélo, non ? Le retour à l’ambiance du paradis perdu demande un gros effort et une solide motivation, parce que pendant tous ces siècles passés à blanchir sous le harnais, on a perdu la main du savoir-ne-rien-faire, on ne sait plus comment s’y prendre pour buller correctement. Au début, seules les personnes particulièrement douées sont capables de tenir 2 heures d’affilée sur une chaise longue (ou un hamac…) en ne FAISANT RIEN. Avant tout, il faut savoir chasser de son esprit tous sentiments parasites tels que l’ennui ou la culpabilité. N’oublions pas que l’ennui est souvent une terre féconde pour la création ou l’invention. Un enfant qui n’est pas surbooké 365 jours par an, qui n’a pas 3 tonnes de jouets mais seulement 4 crayons, va se mettre à gribouiller sur les murs de sa chambre et peut devenir un Léonard de Vinci … ou un Guy Degrenne (voir la pub), c’est selon. Quant à la culpabilité, il arrive un moment dans la vie où il serait peut-être temps de couper le cordon ombilical avec la mère, les conventions et le bourrage de crâne judéo-chrétien !!! Désormais, on a bossé, bien comme il faut, toute la semaine, toute l’année ou toute sa vie, alors, dites-moi, est-ce qu’on n’a pas acquis le droit légitime de dire m… à tous les drogués de l’agitation, à toutes les névrosées du balai ? Pour réapprendre l’art du farniente, il est conseillé d’appliquer un peu de méthode : - Tout d’abord, choisir la période : commencer en vacances, c’est plus facile et……ça passe plus inaperçu. - Ensuite, planter le décor, choisir l’endroit idéal : fauteuil devant la cheminée ou chaise longue (ou hamac…) au soleil, suivant la saison, mais l’inverse est possible, c’est vous qui voyez… - S’entourer de tout ce qui vous sera utile AVANT de vous asseoir (sinon, attention ! vous risquez la crampe ou pire, l’éventration) : cigarettes ET briquet ET cendrier (ou toute autre drogue, je ne veux pas le savoir…); revues ; chocolat ; boisson ; musique. N’attaquer les bouquins, les mots croisés et sudokus que la deuxième semaine. - Pour les accros du sport, il est admis de faire la planche quand la mer est calme et tiède. Surtout, ne pas agiter les bras trop violemment, éventuellement, demander à quelqu’un de vous pousser. - Apprenez à contempler. Quoi ? tout, n’importe quoi : le ciel et ses beaux nuages, les oiseaux qui font cui-cui ou encore les fourmis : ah tiens ! celles-là, elles n’arrêtent pas de bosser une seconde. Vous verrez comme il est doux de ne rien faire quand… etc, etc, et puis il n’ya rien de plus comique qu’une fourmi qui se casse la figure en essayant d’escalader une pente à 90° avec une charge qui fait le triple de son poids sur le dos. Ricanez ! c’est très bon pour la santé. - Et surtout, surtout, attention à la rechute au retour des vacances ! Evitez de replonger à corps perdu dans le travail, allez-y progressivement, l’énergie est une drogue dure ! Les premiers jours, n’allez au bureau que quelques heures, prétextez une série de rendez-vous urgents chez le dentiste. - Rentrez chez vous, en passant, louez le dvd intitulé : « Alexandre le Bienheureux » et réviser les grands principes. Prenez de la graine en observant la scène du petit chien qui va faire les courses, pendant que Noiret reste au lit avec tout un système de ficelles et de poulies qui lui permet d’accéder aux choses essentielles (vin et saucisson) sans se fatiguer. Quelle leçon ! Voilà en quelques mots quelques conseils simples et efficaces pour vous remettre sur le chemin d’Eden. Bonne continuation ! * speed-dating : rdv express. Pratique qui consiste à appliquer le principe de la foire aux bestiaux aux humains mâles et femelles, sauf que le toucher des parties génitales (dans un premier temps du moins) est remplacé par des questions que l’on se pose réciproquement et rapidement (d’où l’expression : être speed) http://www.dailymotion.com/video/x1jw60_alexandre-le-bienheureux_fun