Kagami no onnatachi ou Femmes au miroir... de Yoshishige Yoshida
Ce film n'est pas dans les propositions des listes... alors je passe par son réalisateur, que j'aime beaucoup, quoi qu'il en soit.
Une histoire de mémoire, d'identité, de liens de femmes mères et de filles, plongées dans l'obscurité de leurs liens.
C'est une histoires de ventres.
Une mère retrouve celle qui pourrait être (qui est?) sa fille, disparue alors qu'elle venait de mettre au monde une fille.
Ce bébé, qui a été élevé par sa grand mère, a maintenant plus de 20 ans.
Sa mère biologique, qu'elle n'a jamais connue entre dans sa vie bien réglée.
Mais est ce bien elle? Celle qui s'est effacée avant même de montrer un visage à son enfant.
Celle qui s'est dérobée à sa propre mère.
Cette mère grand mère dont le coeur est béant depuis plus de 20 ans.
Est ce bien elle cette mère fille, cette fille mère? Celle aux hystéries.
Celle qui brise les miroirs.
La rescapée.
Ces 3 générations, ces 3 superbes visages inquiets, tentent de se recomposer, de se reconnaître à tâtons. Des femmes qui se retrouvent en miroirs communs, en fond de liens d'hommes et de coïncidences, d'incidences, de juxtapositions.
Triolet silencieux qui se fouille et s'observe.
Elles sont belles et bouleversantes.
Mariko Okada, compagne et égérie de Yoshida est magnifique de puissance, d'émotions contenue.
Fragile et gracieuse sous son ombrelle blanche et modelée sous le fardeau de ses secrets.
Une belle plastique narrative qui met en scène l'oubli, la rencontre, l'amour, le lien de sang.
La naissance.
Le fond d'une guerre atroce, comme toutes les guerres, sauf que celle ci a eu SA bombe.
Ces femmes juxtaposent leur mémoire inscrite dans le cadre d'une fenêtre dhôpital, donnant sur la mer, à Hiroshima. Ce film est très "prenant".
On entre dans l'intime de leurs secrets comme on marcherait de nuit dans un long couloir, la pulpe du bout des doigts sur la surface du mur, tantôt lisse, tantôt rugueuse, avec parfois une fissure ou la béance soudaine et inquiétante d'une porte ouverte.
Elles devinent plus qu'elles ne savent. Nous les accompagnons.
On a le coeur tendu comme les bras dans le noir et on aimerait que oui, ce soit bien elle la retrouvée. Que ce soit bien ce visage là qui rejoigne l'histoire et lui permette de ne plus demeurer en errance.
De rendre chair à une enfance inachevée et fermer une plaie multiple.
Effacer les cris et le fracas des vagues.
Les scènes esthétiques mais pas esthétisantes se glissent comme une soie sur le corps de l'histoire.
D'un coup je ne me souviens même plus si ce film est en couleur...
C'est étonnant, je me le remémore en N&B... je ne sais plus. Moi aussi amnésique...
Le N&B lui va si bien.
J'ai adoré ce film... OUI oui, vous le supputez, sinon, je n'en parlerai pas ainsi.
Cette délicatesse... Je trouve là encore de quoi nourrir et réjouir mes multiples affinités naturelles pour le Japon ou plutôt pour ses expressions sensibles.
Le paradoxe de ce pays ne cesse de me surprendre.
Une chose me séduit, c'est ce geste d'inclinaison légère qu'on les japonais font pour se dire bonjour. C'est très présent dans ce film. Cette attention sobre et silencieuse et néanmoins si forte. Il y a l'épaisseur du silence et des regards, la tension des sentiments.
C'est d'une grande élégance.
Ce film... Tout y est d'une très grande classe... Et la classe, j'aime ça.
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