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Le 18e me rappelle des souvenirs par Tigerlili

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"Ah ! C'est qu'elles voient si bien, les femmes, en une seconde, la chose qu'on n'aurait pas dû laisser traîner !" (Sacha Guitry, Faisons un rêve, éd. Pocket p. 45) phosphènes occulte bravitude pinaillage nihiliste pénates étreinte vingt-cinq centimètres hanté interboliser (= troubler quelqu'un en l'interrompant) « Tu comprends, tu comprends, me jette Nicolas, la main crispée sur un innombrable Talisker, ce type a percuté le marché et il a métamorphosé son cours…Tu vois, tu vois, il les a interbolisés, carrément ! » Il passe fiévreusement la main dans ses cheveux et roule des yeux exaltés sous ses sourcils de démon chinois. Je vois que l’interview de Technikart n’a pas changé le petit prince de la rue Pavée. Je bats en retraite vers les mouvements occultes de la rue Myhra. Le square Léon respire dans le soir , ses allées hantées par des enfants rapides. En remontant sous le pinaillage élégiaque d’une radio qui sature, je remarque la pérennité du restaurant bordure, à oui plus que syldave, dans la rue étroite, ses tables toujours poisseuses et ses vitres opale. Le petit coiffeur affro de l’angle a résisté avec bravitude à ces quinze ans d’envol puis de gravité économique. Les terrasses des cafés ex-alternatifs des rues inhérentes (comme dit mon banquier) se sont gercées sous vingt-cinq centimètres de suie. Mais qui sait ? Momo, à la Goutte d’or - qui ouvre sur des perspectives et les mêmes boutiques de créateurs qu’en ce temps là - sert un tagine de potimarron bio : c’est la vie…Ah, qui sait si je pourrais encore rêver de plonger dans les montagnes de menthe et de coriandre au marché de La Chapelle? Déboucher sur le grand boulevard m’a toujours fichu le bourdon : c’est impersonnel et confus, une de ces artères oublieuses, mémorial nihiliste d’un Paris qu’on n’a pas connu, avec ses commerces imperturbables : sacs Vuitton des mers de Sud, Tati, agences de voyages obscures. Mais par la rue de Maubeuge, on arrive à Gare du Nord, à ses rails noirs en réseau qui s’enfoncent dans le flanc de la ville. C’est plutôt ça, le « ventre du Léviathan ». Sur un trottoir un peu plus bas, un bouquiniste momifié m’offre un Sacha Guitry broché : Faisons un rêve. « Ah, c'est qu'elles voient bien, les femmes, en une seconde, la chose qu'on n'aurait pas dû laisser traîner ! », me promet-on en quatrième. Je rentre à Gambetta par la ligne 2, le grondement de la rame distrait les bruits de la ville. Allons, encore deux jours et ce sera la gare de Lyon. Bientôt, j’aurai salué Sainte Victoire comme on salue ses dieux pénates. « Balayés les phosphèèèènes J’ai aboli tes sortilèèèèèges Dans les étreintes du vent », chantera Cabrel à la radio.

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