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Aventures littéraires au fond de la vallée ou de l'importance du tamis par Seleucie

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Cinq saisons que je fouillais méthodologiquement, comme moi seul sais le faire, le lit asséché de la vallée des rois. La valeureuse équipe de Gurnawis qui m’accompagnait depuis des années, la plus expérimentée qu’un archéologue ait jamais eue, avait déblayé systématiquement sur une épaisseur de vingt-cinq centimètres le sable charrié par le khamsin, le vent du désert, et par les rares et calamiteux orages sur le sol de la vallée. Ma femme, dont la bravitude n’avait d’égal que le talent naturel pour le pinaillage, avait passé au tamis l’intégralité de ces montagnes de sable pour s’assurer qu’aucune perle brisée, aucun cachet ancien, aucun morceau d’artefact, n’échappât à notre vigilance pour indiquer la présence d’une tombe encore inviolée. A la fin de la journée, quand elle se redressait de son dur labeur, d’épuisement les phosphènes lui dansaient devant les yeux –qu’elle a par ailleurs verts et fendus comme des pupilles de chats-. Après les découvertes grisantes réalisées naguère sur le plateau de Guizeh et à quelques pas de la vallée, dans la montagne de l’Assassif encore, le désespoir m’envahissait de son étreinte castratrice. Moi qui m’étais tant moqué des archéologues qui prétendaient les trésors de la vallée des rois épuisés, je me sentais devenir nihiliste, près de mettre un terme à l’aventure après avoir pourtant surmonté tant de difficultés pour obtenir la concession. Tous les soirs, hanté par l’échec, j’envisageais de licencier ma petite équipe et de rentrer tête basse dans mes pénates, dans le verdoyant Perche sarthois. Tous les matins, après un moment de recueillement marital et intime avec ma femme aux yeux verts, je sentais une force occulte m’inonder et j’enfourchais triomphalement, l’espoir au ventre, ma bicyclette rouillée en direction de la vallée. Ce jeudi soir, pourtant, je me sentais au bout de mon obstination légendaire. Me rapprochant de ma douce épouse qui transpirait après la journée de tamisage sous le dur soleil de mars égyptien, je m’affaissai, plus que je ne m’agenouillai, lui encerclai doucement la taille de mon bras nu et avec mon habituel voix de stentor, habituée à commander les équipes, commençai à lui exposer avec forces hyperboles les raisons pour lesquelles je mettais définitivement un terme à cette expédition désastreuse. Je ressentais un vif soulagement à me dire qu’enfin la décision était prise. Demain, profitant du repos hebdomadaire, nous ferions nos valises. Et samedi, enfin, nous prendrions la route de l’aéroport en secouant la poussière de la vallée des rois de nos semelles. Nous allions retrouver nos chères petites têtes blondes, qui nous attendaient sagement à la maison, nous allions… Soudain, un cri poussé par ma brave épouse vint m'interboliser dans cette vision du bonheur domestique : « Là ! Dans le tamis ! Un chaouabti avec le sceau d’un roi inconnu ! Je le savais, une tombe nous attend ! » Pris à contrepied, moi qui venais de décider une retraite stratégique, je poussai un hurlement qui rameuta tous nos hommes : "Ah ! C'est qu'elles voient si bien, les femmes, en une seconde, la chose qu'on n'aurait pas dû laisser traîner !"

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