Fausses vraies faînes et vrais phosphènes
Où lon reçoit des nouvelles de Nohouère-en-Mideule.
(Bulletin décennal de M. Quoifeyre, retraité bénévole faisant fonction à lui seul de Syndicat dinitiative, dOffice de tourisme municipal et de gazette locale.)
Vous rêvez de fuir latmosphère hyperréaliste, bruyante, stressante, haletante et harassante de la ville. Vous rêvez de promenades bucoliques, dair pur, de nuits paisibles, dodeurs détables et de litières à lapins, de gloussements de poules vaillamment parturientes et de fraîches cueillettes, bref dune immersion dans le monde rustique tout empreint de simplicité pastorale et de bonheur champêtre, et prometteur dune santé et dune vitalité retrouvées.
Des faînes, des glands, des pignes, des noisettes, des champignons, vous en trouverez en abondance dans les bois de la commune de Nohouère. Les faînes sont le fruit du hêtre, du moins les vraies, car les fausses, les PHOSPHÈNES donc, sont plus souvent le fruit de champignons consommés sans modération et sans discernement. (Comme le dit si justement ladage, « Il ne faut pas prendre les PHOSPHÈNES vésicaux pour des lanternes vénitiennes ! » ou, comme lon dit le plus communément du monde, « Jen ai vu trente-six fausses faînes », ce qui marque bien le caractère ophtalmique de la chose.
Mais depuis que la demoiselle du château, jadis, sy rompit le cou sur la pierre dite de BRAVITUDE, affreux mégalithe dau moins VINGT-CINQ CENTIMÈTRES de haut, on évite le bois de pins, ce qui, pour les Nohouérois, sappelle le PINAILLAGE, car ce bois a la réputation délétère dêtre HANTÉ. On dit quelle apparaît parfois, blanche et irrésistible silhouette, au promeneur imprudent, et que son ÉTREINTE est fatale à quiconque se laisse approcher delle. Mieux vaut donc éviter de vous laisser aller à traîner en ces lieux. Ah ! Cest quelles voient si bien, les femmes (surtout les revenantes), en une seconde, la chose (ou plutôt le pauvre malheureux !) quon naurait pas dû laisser traîner !
Même les chasseurs dont les vingt ou VINGT-CINQ CENTIMÈTRES-cubes dalcool pur dans le sang dès potron-minet exacerbent la bravachance, laventuriérage et le risquement, pour ne rien dire de leur BRAVITUDE-née, pinaillent (et repicolent) à lorée du Bois Maudit. Quant aux chiens, ils se souviennent brusquement de quelque affaire en cours à lautre bout du canton, qui requiert leur présence urgente. Aussi plantent-ils là la chasse et leurs compagnons à deux jambes ; et un fusil.
Dailleurs, à trop errer, flâner, vagabonder, traînailler dans les bois vicinaux, vous risquez fort de voir vos rêveries et votre quête oisive se faire INTERBOLISER de la façon la plus brutale et grossière par les vaticinations méphitiques, les vitupérations intempestives et les imprécations stupéfiantes de la sorcière du village qui y a installé ses PÉNATES. Véritable Circé, elle a, selon son humeur, transformé plus dun chercheur de champignons ou de muguet, homme ou femme, en lièvre, putois, hérisson, serpent, buse ou même tanche !
Je vous vois venir : vous êtes un-une pragmatique, un contempteur-une contemptrice de lOCCULTE, un-une NIHILISTE du surnaturel, vous évoluez dans le rationnel de vos villes de verre, de béton et dondes diverses, mais ici, vous devez tenir compte (cest dailleurs ce quon appelle un compte OCCULTE) dautres forces : tout un monde parallèle de sortilèges, denchantements, de métamorphoses et de courants telluriques qui, bien quincompris et échappant à tout raisonnement logique, font néanmoins partie du quotidien ! En tout cas, vous ne direz pas que lon ne vous a pas prévenus !
Bon séjour parmi nous.
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