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Une nuit sur terre par Seleucie

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Un soir, comme ça, trop fatigué pour décider d’aller se coucher, on zappe distraitement sur les chaînes de la TNT, prêt à achever d’assoupir ses neurones devant un débat répétitif ou les abjections les plus mièvres de la téléréalité. Dans le vide sidéral, on pousse jusqu’à France 4, rarement visitée. « Une semaine d’enfer »…le titre donne envie. Grande enquête sur les fraudes…du classique. La résistance d’un restaurant associatif dans un quartier qui se boboïse…beaucoup de bonnes intentions. Et puis, sans prévenir, on bascule dans l’absurde. Ca se passe devant la préfecture d’Evry. Mais ça pourrait se passer devant beaucoup d’autres préfectures sans doute (en région parisienne, mais aussi Caen, Bordeaux paraît-il). En fait, on ne se rend pas compte qu’on est devant la préfecture parce qu’il fait nuit. Derrière des barrières de sécurité, quelques êtres humains emmitouflés, munis de victuailles, attendent. Il est 20h, la queue pour le guichet en charge de l’accueil des étrangers commence à se former. Les portes de la préfecture ouvriront le lendemain à 9h, mais pour être reçu, il faut se voir attribuer un ticket, et il n’y en a que 130 à 150 distribués chaque jour. Alors, la seule solution si on veut renouveler son titre de séjour, c’est de venir la veille au soir et d’attendre la nuit entière et une partie de la journée. A force, les choses s’organisent : le premier arrivé devient le chef de file. Il note l’ordre d’arrivée des suivants qui peuvent s’éclipser pendant quelques heures. Mais il ne faut pas abuser : le chef de file fera plusieurs appels pendant la nuit auxquels il faut se présenter ponctuellement si on ne veut pas tout recommencer la nuit suivante. Et à partir de 3h du matin, tout le monde doit être présent. A 7 heures, la préfecture ouvre ses barrières. 2 heures plus tard, c’est les portes et l’attribution des tickets. Nuit après nuit, depuis le printemps dernier, le phénomène se reproduit. A Evry, à bout de compassion mais aussi de nerfs et de sommeil, il paraît que les riverains craquaient. Alors la queue a été déplacée vers une avenue, plus large. Et au fond, personne ne sait bien pourquoi ni comment on en est arrivé à cette absurdité installée, qui ne semble même plus révolter tant elle est devenue banale. Il paraît que les préfectures ont un peu réduit l’amplitude des horaires d’accueil. Mais une heure par ci, une demi-journée par là, il n’y a pas de quoi bouleverser des vies humaines. Peut-être aussi que les fonctionnaires de l’accueil, débordés par l’évolution permanente de la réglementation ne savent pas bien comment l’appliquer. Alors dans le doute, mieux vaut être prudent, en demander trop. Du coup, au moindre papier absent ou ambigu (tiens, un domicile situé « rue du Général de Gaulle » sur une facture, « avenue Charles de Gaulle » sur une autre), le verdict tombe : il faut revenir. Parce que, apparemment, toutes les démarches doivent se faire directement à la Préfecture. Même pour déposer un dossier, c’est la règle : il faut venir. Jusque là, j’avais cru que l’administration française était l’une des plus adeptes d’internet… Bien sûr, ce qui n’a pas simplifié les choses, c’est le fait qu’on ne délivre plus de cartes de résident, valables 10 ans. Au mieux, des titres de séjour d’un an. Et puis le temps que l’administration, touchée par le non remplacement d’un départ sur deux et la multiplication des dossiers (1 par an au lieu d’1 tous les 10 ans), ait le temps de traiter les demandes, le risque, c’est d’avoir un simple récépissé de dépôt, renouvelable tous les 3 mois. Tiens, comme cette étudiante HEC, souriant devant les caméras dans sa couverture, sur le trottoir d’Evry. C’est sûr, elle et tous les autres, ils n’ont que ça à faire. Ca ou devenir des sans papiers. Parfois, même l’administration se rend compte que les choses sont allées un peu trop loin. Mais il en faut beaucoup. Comme pour ce prêtre Congolais du district d’Evry, par exemple. Arrivé en Europe (via l’Italie) depuis 10 ans, bénéficiant d’un permis de séjour en tant que réfugié politique, il officiait depuis 3 ans dans une petite commune à proximité. C’est sûr, la prêtrise, ça doit être un « secteur en tension » comme on dit : il n’y a plus assez de Français candidats. Malheureusement, l’Office français de l’immigration et intégration, qui a perdu son dossier, lui indique qu’il doit se rendre à la préfecture de Palaiseau pour régulariser son dossier. Files d’attente interminables pour, arrivé au guichet, s’entendre dire qu’en fait c’est à Evry qu’il doit faire sa demande. De file en aiguille, à la mi janvier, il reçoit une obligation de quitter le territoire français. Il paraît qu’il était soupçonné de vouloir faire venir sa famille en profitant de la loi sur le regroupement familial. Parfois, on regrette que les employés de préfecture ne bénéficient plus d’une culture générale catholique… La différence avec un prêtre, comme le dit l’évêque d’Evry, c’est qu’il y a plusieurs centaines de personne qui ont réagi. Dont le maire du petit village dont il est le curé et quelques hussards de la république surpris de se retrouver à défendre un représentant de l’église. Tout arrive…il paraît qu’à l’heure qu’il est l’ordre de quitter le territoire est annulé. Il a de la chance, il va pouvoir reprendre les queues, la nuit. http://essonneinfo.fr/91-essonne-info/17200/le-calvaire-des-residents-etrangers-se-poursuit-dans-le-froid/ http://www.liberation.fr/societe/01012374730-etrangers-pourquoi-les-files-d-attente-s-allongent-devant-les-prefectures http://www.reveil-fm.com/index.php/2012/01/27/2138-un-pretre-sans-papiers-menace-dexpulsion http://www.la-croix.com/Religion/Urbi-Orbi/France/Le-pretre-congolais-interdit-de-sejour-en-France-ne-sera-pas-expulse-_NP_-2012-01-31-764053

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