Une vieille bâtisse au milieu dun jardin
Et dans le clos, lallée, un champ de pierres tendres,
Un gué, mon âme, un lit, un désert où sétendre
Et dans de vieux tiroirs, lodeur du lavandin.
Lenfance est au-dehors et partout à la fois,
Sous lherbier des saisons et les blanches alaises,
Dans la malle au grenier là haut sont les mélèzes,
Sous la neige, mon coeur, les parfums dautrefois.
Le tout est poussiéreux, digne du brocanteur,
De loubli des pinceaux, des bleus de laquarelle.
A cloche-pied le temps y joue à la marelle.
Voilà pour le décor, le cadre est enchanteur.
Comme une flèche antique, un grand mât, une tour,
Guetteur qui semble voir les jours passer, les heures,
Le froid silencieux des tranquilles demeures,
Une ombre en tapinois les attend alentour.
Les fenêtres de bois sont de grands yeux vitreux
Où perlent quelquefois des larmes, le silence
Quand jy songe, je crois, me souvenir sélance
En pluie et sait les corps flétris aux teints terreux.
Arrivés sans tambour. Ils sen vont sans témoin.
Leur peau sent la violette et la feuille jaunie,
Celle qui sous les pas seffrite et saplanie,
Comme sen va leur vie en seffaçant au loin.
Que sont ces blancs couloirs sinon de longs tunnels ?
Où de pâles lueurs chaque jour, samenuisent,
Frêles flammes, falots que des bateaux conduisent,
Par le coeur, par la main, sous les vents éternels.
"Las du triste hôpital et de l'encens fétide
Qui monte en la blancheur banale des rideaux
Vers le grand crucifix ennuyé du mur vide
Le moribond sournois y redresse un vieux dos
...".
Les Fenêtres - Stéphane Mallarmé.
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