J'ai oublié mes gants, le froid m'engourdit les mains, il y a peu de gens en ce dimanche midi dans le jardin du Luxembourg. Des solitaires à la recherche d'un amour qui errent ça et là, quelques familles se délectant de ce soleil d'hiver, de cette froideur inhabituelle.
Mon téléphone portable sonne pour m'avertir de l'arrivée d'un SMS, aussitôt le visage d'une trentenaire apparait, le message est lapidaire, 'kes tu fou, on se les caille !!"
J'avais rencontré Mathilde dans sa librairie du coté de l'odéon. J'avais aperçu son doux visage au travers de la vitrine. Ce samedi-là, j'avais eu des gargouillements d'estomac, j'aurais pu entre dans une boulangerie dévorer un beignet au chocolat, mais non j'avais envie de relire Annie Ernaux, comme quoi la vie tient à peu de choses.
J'ai mis mon bonnet celio sur mon crâne rasée pour me donner de la contenance.
Une fois entré dans le magasin, je m'étais laissé guidé nonchalamment vers le rayon littérature comtemporaine.
Mathile se tenait en face de moi, 'quels genres de livres avaient lu récemment ? vous êtes attirés par quoi ?" J'ai déglutit comme un attardé et j'ai laché, 'ben en fait j'adore la musicalité de mots, j'ai lu tout Olivier Adam, c'est dire que chus un mec marrant hi hi'
Mathilde a aussitôt ri aux éclats, et j'ai senti dans son haleine, le parfum du bonbon la pie qui chante, qui m'a rappelé immédiatement les cours de recré, les jeux de Deli Délo, les histoires imaginaires de novices amoureux, et les règlements de compte pour une vignette Panini. Je ne pouvais pas ne pas tomber amoureux. Impossible.
Le bruit de la neige qui se déchire sous mon poids. Je continue de marcher tel un Nicolas hulot grimpant l'Everest. Un silence de cathédrale dans cet ilot de nature.
Un enfant de 38 mois à peine me fixe curieusement, il me lance violemment un ballon, il cherche un compagnon de jeu, 'papa, bayooon, jouer moi'
Ha je précise mon fils maitrise parfaitement la langue de Jedi et je suis l'une des rares personnes sur terre à dialoguer avec lui.
Sa mère vient me coller ses lèvres contre ma joue ma rasée, je me suis demandé secrètement à quel moment cette bouche a t-elle pu cesser de m'aimer ?
"Surtout ne le couche pas trop tard' me dit-elle en souriant
Nous la regardons s'éloigner mains dans la main, silencieusement, plus pour apprécier nos retrouvailles que par indifférence, le ciel est de plus en gris, un vent frais se lève et vient nous caresser le visage, les flocons sont de plus en plus épais.
J'ouvre la bouche dans l'espoir d'en gober le maximum, mon fils m'imite aussitôt en s'esclaffant, nous sommes immortels l'instant d'une bourrasque.
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