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Père au bord de la crise de nerfs par Sablaise1

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Lise, quand tu trouveras cette lettre je serai parti. Il y a belle lurette que nous n’arrivons plus à nous parler sans nous disputer, alors je préfère t’écrire. Il y a un an quand tu m’as dit que tu voulais quitter ta maman et venir vivre chez moi j’étais fou de joie à l’idée de retrouver ma fille, je n’imaginais pas un instant que les choses pourraient mal se passer entre nous. J’ai sans doute ma part de responsabilité, je ne suis pas un saint, je ne prétends à aucune auréole, mais j’ai vraiment fait beaucoup d’efforts pour que tout baigne et toi tu n’en as jamais fait aucun. Ce matin j’ai été réveillé par le grincement de la porte du frigo et j’ai espéré un instant que tu en avais fini avec ton obsession du bourrelet et que tu t’étais décidée à manger un peu. Quand je vois ta silhouette de nymphe j’ai tellement peur que tu sois sur la pente de l’anorexie… J’ai enfilé ma robe de chambre et je me suis dirigé vers la cuisine pour passer un moment avec toi. Tu t’es sauvée quand tu m’as vu et je me suis retrouvé seul avec ce type au crâne rasé, complètement nu, couvert de tatouages, des piercings jusque sur l’aréole, qui tapait allègrement dans mes provisions. Pas gêné du tout il m’a gratifié d’un« Salut, vous ! » auquel j’ai préféré ne rien répondre, tu sais ce que je suis capable de dire quand je me mets en colère. Lise, je ne tiens pas un camp naturiste et je ne suis pas l’armée du salut, n’importe qui ne vient pas chez moi se balader à poil et se nourrir à mes frais et je te répète pour la énième fois que tu n’es pas autorisée à ramener des copains pour la nuit ! J’étais trop énervé pour me rendormir, je suis allé me rafraîchir dans la salle de bains, tu avais mal fermé le robinet et l’eau coulait, pourtant je n’arrête pas de te dire que je ne suis pas bourré aux as et que j’ai du mal à payer mes factures ! Et puis j’ai vu le panier de linge sale qui débordait comme toujours sans que tu penses jamais à faire une lessive. C’est bien simple, c’est moi qui fais tout ici, les courses, le ménage, la cuisine…et je ne crois pas à ta prétendue maladie de la lymphe, ce que tu as c’est une flemmingite chronique qui disparaît comme par enchantement lorsqu’il s’agit de sortir avec les copains. Tu sors quand je reviens du bureau, tu rentres sur le matin, tu dors toute la journée. Lise, on se voit à peine, on ne partage jamais rien, pas même un repas ou une émission de télé. Et puis, même si ça t’énerve, il faut bien que je te parle de tes études. Qu’est-ce qu’elle devient ta thèse sur « la focalisation externe dans le roman naturaliste » à laquelle je ne te vois jamais travailler ? Tu m’as fait acheter tout Zola, mais je ne te vois lire que des bandes dessinées ! Je sais ce que tu penses en lisant cette lettre, que ton père est un vieux ronchon radin aux idées réacs, aigri par des années de célibat, qui ferait mieux de s’inscrire sur un site de rencontres. Je t’accorde que je ne suis pas un gai luron ces temps-ci mais si j’avais une fille qui vivait le jour, dormait la nuit, s’alimentait correctement, faisait sa part de tâches quotidiennes et préparait sérieusement son diplôme, je retrouverais peut-être l’envie de rire. Lise, je n’en peux plus, je suis vraiment à bout. J’ai téléphoné à ta maman qui a été très compréhensive. Je passerai une fois par semaine prendre mon courrier et voir comment tu vas. Je fais ma valise et je retourne chez ta mère. Ton papa qui t’aime quand même.

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