Lise, quand tu trouveras cette lettre je serai parti. Il y a belle lurette que nous narrivons plus à nous parler sans nous disputer, alors je préfère técrire.
Il y a un an quand tu mas dit que tu voulais quitter ta maman et venir vivre chez moi jétais fou de joie à lidée de retrouver ma fille, je nimaginais pas un instant que les choses pourraient mal se passer entre nous.
Jai sans doute ma part de responsabilité, je ne suis pas un saint, je ne prétends à aucune auréole, mais jai vraiment fait beaucoup defforts pour que tout baigne et toi tu nen as jamais fait aucun.
Ce matin jai été réveillé par le grincement de la porte du frigo et jai espéré un instant que tu en avais fini avec ton obsession du bourrelet et que tu tétais décidée à manger un peu. Quand je vois ta silhouette de nymphe jai tellement peur que tu sois sur la pente de lanorexie
Jai enfilé ma robe de chambre et je me suis dirigé vers la cuisine pour passer un moment avec toi. Tu tes sauvée quand tu mas vu et je me suis retrouvé seul avec ce type au crâne rasé, complètement nu, couvert de tatouages, des piercings jusque sur laréole, qui tapait allègrement dans mes provisions.
Pas gêné du tout il ma gratifié dun« Salut, vous ! » auquel jai préféré ne rien répondre, tu sais ce que je suis capable de dire quand je me mets en colère.
Lise, je ne tiens pas un camp naturiste et je ne suis pas larmée du salut, nimporte qui ne vient pas chez moi se balader à poil et se nourrir à mes frais et je te répète pour la énième fois que tu nes pas autorisée à ramener des copains pour la nuit !
Jétais trop énervé pour me rendormir, je suis allé me rafraîchir dans la salle de bains, tu avais mal fermé le robinet et leau coulait, pourtant je narrête pas de te dire que je ne suis pas bourré aux as et que jai du mal à payer mes factures ! Et puis jai vu le panier de linge sale qui débordait comme toujours sans que tu penses jamais à faire une lessive. Cest bien simple, cest moi qui fais tout ici, les courses, le ménage, la cuisine
et je ne crois pas à ta prétendue maladie de la lymphe, ce que tu as cest une flemmingite chronique qui disparaît comme par enchantement lorsquil sagit de sortir avec les copains.
Tu sors quand je reviens du bureau, tu rentres sur le matin, tu dors toute la journée. Lise, on se voit à peine, on ne partage jamais rien, pas même un repas ou une émission de télé.
Et puis, même si ça ténerve, il faut bien que je te parle de tes études. Quest-ce quelle devient ta thèse sur « la focalisation externe dans le roman naturaliste » à laquelle je ne te vois jamais travailler ? Tu mas fait acheter tout Zola, mais je ne te vois lire que des bandes dessinées !
Je sais ce que tu penses en lisant cette lettre, que ton père est un vieux ronchon radin aux idées réacs, aigri par des années de célibat, qui ferait mieux de sinscrire sur un site de rencontres.
Je taccorde que je ne suis pas un gai luron ces temps-ci mais si javais une fille qui vivait le jour, dormait la nuit, salimentait correctement, faisait sa part de tâches quotidiennes et préparait sérieusement son diplôme, je retrouverais peut-être lenvie de rire.
Lise, je nen peux plus, je suis vraiment à bout. Jai téléphoné à ta maman qui a été très compréhensive.
Je passerai une fois par semaine prendre mon courrier et voir comment tu vas.
Je fais ma valise et je retourne chez ta mère.
Ton papa qui taime quand même.
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