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Je suis pauvre et je t'emmerde par Coucou c est ginou

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C'est officiel : mon revenu disponible est inférieur à 50% du revenu médian, c'est la définition de la pauvreté relative — encore que désormais on prenne plutôt comme seuil 60%, mais qu'à cela ne tienne, qui peut le plus peut le moins. Je suis donc pauvre. Objectivement, ça m'autorise donc à ouvrir ma gueule, et à te dire : j'en ai absolument rien à foutre de savoir si "la gauche m'aime", ou pas. Pour une première raison, essentielle, absolue : si, comme tout un chacun je suppose, il m'est plus agréable d'être aimée que pas, c'est en tant que personne, pas en tant que pauvre, qu'il me sied de l'être. Des politiques, je n'attends pas qu'ils m'aiment, de toute façon. Ce que j'attends d'eux c'est qu'ils me garantissent, pauvre ou pas, un égal respect de ma personne, de mes libertés, de mon accès au droit commun. Ce n'est évidemment pas le cas, et ce n'est pas affaire de droite ou de gauche. C'est une affaire de situation, d'expérience. Ceux qui ne sont pas pauvre, ceux qui ne l'ont jamais été, il y a pas de trucs qu'il leur est absolument impossible de comprendre, semble-t-il (j'arrive pas à y croire vraiment... peut-être faudrait-il juste qu'ils ouvrent un peu leurs esgourdes). Pas le fait d'avoir à se priver de certaines dépenses : ça, tout le monde, même le plus riche, en fait l'expérience. La pauvreté ne réside pas dans la privation. La pauvreté, celle-là, celle du seuil insee, c'est avant tout synonyme d'injustice, et d'oppression. Quelques exemples : — Pendant des années j'ai travaillé en indépendante, avec un revenu très faible. Sur ce revenu, je versais des cotisations à une caisse de retraite. Eh bien, je viens de découvrir que ces versements, faibles à comparer de ceux des "revenus médians", certes, mais aussi élevés que les leurs en proportion de mes ressources, ne me donnent pas droit aux fameux "trimestres" nécessaires pour "récupérer ma mise" et toucher une retraite. En même temps ça me libère d'un souci : inutile que je me fatigue à travailler plus et à cotiser encore, de toute façon je n'aurai jamais mes "trimestres". Cocagne : la pauvreté rend libre, après tout. — Il y quelques temps, j'ai prétendu obtenir une petite subvention pour créer une petite activité… à la mesure de mes capacités d'investissement, de ma nonchalance, et de mes besoins. Ben, on vit dans un monde formidable : "vous comprenez", il m'a dit le gars, "pour monter votre dossier ça nous coûterait quatre fois plus cher que ce que vous demandez, ça serait un peu stupide, non ?" Si, bien sûr. Va donc filer l'argent public (le mien, aussi, parce que figure toi que c'est pas parce que je suis pas assujettie à l'impôt sur le revenu que j'en paie pas, de impôts, à commencer par la TVA…) va le filer à un déjà-riche qu'a de quoi payer le ticket d'entrée pour récupérer sa mise ! — Et pour gagner plus ? Ben, même pour gagner plus faut déjà gagner : mes compétences devraient me permettre d'exercer comme vacataire à l'université. On me le propose, je prétend, je m'attaque au dossier d'inscription… et là, bingo : l'éducation nationale n'embauche comme vacataire que ceux qui ont déjà, par ailleurs, un travail leur assurant un revenu "suffisant" (i.e. supérieur au seuil de pauvreté). Ainsi, parce que je suis pauvre, je n'ai pas droit à cet emploi. Amusant, n'est-il pas ? Je n'en rajoute pas d'autres, encore ne suis-je pas parmi ceux qui souffrent le plus des injustices faites aux pauvres. Car j'ai la liberté (pour le moment) de m'épargner les humiliations inhérentes à l'obtention des divers minima sociaux et allocations chômage. Ça n'a pas toujours été le cas, et je préfère ne pas m'engager dans le récit de ces expériences odieuses — je suis sans doute une petite nature, mais ça me fout en l'air rien que d'y repenser. Alors non, j'ai pas besoin que les politiques m'aiment en tant que pauvre. Ce que je veux, c'est que vous, vous qui parlez des "pauvres", vous preniez la mesure de l'injustice qui nous est faite, et que ce "droit commun" auquel vous avez accès sans avoir à vous en soucier, vous vous préoccupiez enfin qu'il soit celui de tous. Après, on peut toujours discuter : moi-même je suis toujours perplexe devant ce constat de ma "pauvreté", vu que subjectivement je ne me sens pas pauvre, et que je suis bien placée pour savoir que la pauvreté relative, c'est très relatif. J'ai la chance d'être aux deux tiers propriétaire d'un maison où je suis bien, de pouvoir me chauffer, me nourrir, me vêtir, me déplacer, m'offrir quelques petites folies de temps à autre, et me foutre en rogne en lisant sur internet des papiers qui instrumentalisent la pauvreté à des fins idéologiques. Et surtout : j'ai un accès illimité à nombre de plaisirs gratuits, la montagne au pas de ma porte et à perte de vue, la rivière, l'amitié, la poésie, et quelques activités érotiques — lesquelles ne nécessitent pas de frais somptuaires, et sont donc un loisir accessible aux pauvres comme moi : ceux que la misère épargne. Car bien sûr la pauvreté absolue, la misère, c'est autre chose. Je suis bien placée pour toucher du doigt la limite, pour prendre la mesure. C'est à côté, c'est tout près, mais c'est une autre histoire : ce n'est plus affaire de privations, mais de carences. C'est la malnutrition, le froid, les dentiers hors de prix (ne parlons pas de bridges ou d'implants…), le téléphone coupé, les logements exigus dans des quartiers dégradés, la caravane ou la yourte, la rue… Et la guerre. Notre société fait la guerre aux pauvres, aux plus pauvres, dans l'indifférence générale. La fin du "plan grand froid" vient de donner lieu, ici et là, à des expulsions brutales. Une loi interdit désormais à ceux qui n'ont pas de "domicile fixe" de se loger à l'année dans un camping. Le RSA est une usine à gaz si délirante, et si insupportable dans sa mise en œuvre, que la plupart de ceux qui y ont droit n'y ont pas recours. La pauvreté absolue, la misère, ça vous brise, ça vous piétine, et ça vous empêche même de jouir des plaisirs gratuits : vous n'en avez ni le temps, ni l'énergie. Ce gouvernement a mis en œuvre toute une politique de guerre contre les pauvres, contre les chômeurs, contre les sans domicile, contre les étrangers aussi, dont les "inclus" ont quelque peine à prendre la mesure. Au fond, de droite comme de gauche, vous ignorez que le vrai scandale, ce n'est pas seulement la disparité des ressources, mais bien le fait que la pauvreté soit le prétexte à une privation systématique des droits normaux, y compris pécuniaires. La clique au pouvoir est le pire de ce qu'on a vu à l'œuvre depuis de décennies, mais, c'est vrai, il ne suffira pas de s'en débarrasser : pas plus que le PS, l'extrême gauche ne semblent avoir pris la mesure de ce scandale. Ils traitent tous pas le mépris la revendication d'une allocation inconditionnelle, qui nous libèrerait de l'humiliation des procédures d'obtention des minima sociaux. D'après le Front de gauche, "l'opinion n'est pas prête". Il serait temps qu'elle s'y prépare ! Il a fallu la campagne de la fondation abbé Pierre pour qu'ils prennent en compte la situation catastrophique du logement, et encore… La question des retraites est toujours abordée du point de vue des "salariés nantis", qui ne se soucient guère des non-droits des moins nantis, travailleurs pauvres, précaires, femmes… Etc. Remuez vous un peu le cul. Informez-vous, consultez l'observatoire des inégalités, celui des non-recours aux droits, lisez le rapport de la fondation abbé Pierre, regardez autour de vous. Et voyez ce que vous pouvez faire. Il est grand temps que ça change. Il ne suffira pas de voter. http://www.inegalites.fr/spip.php?article270&id_mot=76 http://odenore.msh-alpes.fr/documents/img008.jpg http://odenore.msh-alpes.fr/ http://www.fondation-abbe-pierre.fr/ http://appelpourlerevenudevie.org/ ps : je me cantonne à la France. Où l'on est, même pauvre, très riches à comparer de certains asiatiques, indiens, africains... grecs...

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