François Hollande na pas encore envisagé de plafonner le montant des pensions de retraite, mais il a proposé de taxer à 75 % les revenus supérieurs à un million deuros par an, soit 83 333,33 par mois. Le candidat socialiste, pas très fortiche en math, a arrondi à 100 000 . Il ne faut confier les comptes du pays à un plaisantin comme ça. Le président sortant ne sy est pas trompé en disant que son challenger sen prenait aux classes moyennes.
Et les experts ont entonné en chur la complainte de la fuite des cerveaux si une France décidément ringarde sobstinait à faire payer les riches sans aucune discrimination.
Et le monde du foot sest ému de la fuite de joueurs qui ont des jambes pour courir et un cerveau pour calculer. On a dailleurs appris à cette occasion que, sur leurs contrats, cétait un revenu net qui leur était garanti, les clubs sengageant à prendre en charge les évolutions fiscales et donc à augmenter leur revenu brut en conséquence.
On peut dire que les revenus (faramineux ? mirobolants ?) de quelques managers et quelques sportifs ne sont que les conséquences fort naturelles de la loi de loffre et de la demande ; que le monde entier sarrache et veut sattacher de tels talents, de telles compétences ; que ces talents et compétences ne se réduisent pas à une simple savoir faire ; bref que ces salariés ne sont pas de simples salariés.
Ici, le discours du manager hyperactif est spontanément partagé par la ménagère de moins de 50 ans et par son mari (et par leurs enfants). Bill Gates et Steeve Jobs sont des noms qui viennent aussitôt à lesprit et qui vont très bien ensemble. A eux deux, ils ont changé la vie quotidienne du monde entier. Et la France manque cruellement de talents de ce genre et il convient de ne pas les décourager sils finissaient par apparaître. En outre, le second de ces génies a eu la bonne idée de mourir afin de donner une donner une dimension humaine et tragique à ce mythe de lentreprise.
Quant aux sportifs, on dira quils font rêver et que leur envol au sommet de la hiérarchie des salaires est en proportion des retombées quils engendrent en termes de publicité et de « produits dérivés. »
Pour justifier leur situation et leur rente de situation, managers de haut vol et sportifs de haut niveau nhésiteront pas à invoquer la conclusion du défunt Steeve Jobs à un discours quil avait fait en 2005 : " SOYEZ INSATIABLES, SOYEZ FOUS
Mais de cette insatiabilité, ces pauvres riches semblent navoir retenu quune soif inextinguible pour des salaires toujours plus grands. Et de cette folie, son seul aspect phynancier.
Ajoutons que Steeve Jobs, avant de citer ce propos de beatnik, plombait lambiance en déclarant :
« Pourtant, la mort est un destin que nous partageons tous. Personne ny a jamais échappé. Et cest bien ainsi, car la mort est probablement ce que la vie a inventé de mieux. Cest le facteur de changement de la vie. Elle nous débarrasse de lancien pour faire place au neuf. » " (1)
Evoquant ce sujet fâcheux (la mort), il navait pas un mot sur la fiscalité de lhéritage.
Les plus obstinés des défenseurs des pauvres riches maintiendront que, depuis que le monde est monde, ce sont les riches ont fait la richesse du monde ; et que, lorsquune idéologie délétère sest avisée cet ordre des choses, cest la goulag qui est apparu sur terre. Ils iront peut-être même jusquà rappeler que le sport de haut niveau qui est le chemin le plus aisé des classe populaires pour accéder à la richesse et que (on le sait depuis la Rome antique) le peuple nattend rien des princes qui le gouverne que dêtre rassasié et en pain et en jeux. Et certains rappelleront doctement que « la plupart des défauts que l'on attribue au capitalisme financier sont imaginaires ou proviennent de règlementations inadaptées ». Cest dailleurs ce que chante sur tous les tons et avec constance la belle Agnès V. M. (2)
Mais nous aurons le mauvais goût de leur rétorquer que les princes de notre temps ne contrôlent plus le prix du pain, et quen terme de jeux ils sont rassasiés par linternet et la télévision. Même les joueurs du loto sportif finiront par trouver que les millions de leurs stars sont quelque peu farabolants et miromineux.
Lannonce de François Hollande a sans doute un caractère de tactique électorale et de démagogie que les commentateurs nont pas manqué de saluer. Peut-être même ne lappliquera-t-il pas sans dérogation. Mais cette annonce renvoie « en creux » à celles quont faites depuis deux ou trois Nicolas Sarkozy et Laurence Parisot, promettant lun de moraliser le capitalisme, lautre dautoréguler les rémunérations extravagantes..
Et le moindre intérêt annonce de François Hollande nest pas davoir permis quelques réflexions de bon sens sur ce quon appelle léconomie, sur sa réalité et son peu réalité, sur son imaginaire et sur son manque dimagination, sur la conscience quen ont ses chantres et sur leur inconscient.
Cet épisode illustre bien le problème des riches tel que le définissait récemment Emmanuel Todd à la télévision : « on ne le dira jamais assez : les riches ont leur problème et leur problème cest : que faire de cet argent dont ils nont pas besoin ». Ces riches déchirés entre « la frayeur de ne pas savoir quoi faire de leur argent et la frayeur de ne pas en gagner plus ».
HTTP://WWW.DAILYMOTION.COM/VIDEO/XMPG9B_TODD-CRISE-UNE-AUBAINE-POUR-LES-RICHES_NEWS
(1) Discours fait aux diplômés de Stanford par Steve Jobs, PDG-fondateur dApple et de Pixar, le 12 juin 2005. (Traduction Anne Damour)
(2) Agnès Verdier-Molinié, La mondialisation va-t-elle nous tuer ?, 2008, p.47
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