La jeune fille s'éveilla doucement dans sa chambre aux murs transparents. Le vent soufflait fort ce matin de mars, les cieux se couvraient de sombre, dans le port de Minamisanriku, les vagues s'échouaient sur les digues faisant danser un ballet endiablé aux bateaux ancrés là.
Elle écoutait distraitement cette plainte languissante venant de dehors, son attention était concentrée sur la cérémonie du thé, qui allait avoir lieu dans l'après midi en présence de ses parents, du jeune homme qu'elle aimait et des parents de celui ci.
C'était une jeune fille moderne, allant à l'université, c'est là qu'elle avait rencontré le jeune homme. Elle y suivait des cours sur la cérémonie du thé, elle en avait appris tous les raffinements, transmis également de générations en générations dans sa famille.
A l'école on la pratiquait sans se vêtir du Kimono, juste en habits occidentaux, mais là toute la cérémonie se ferait dans la plus pure tradition Japonaise.
Sa mère et sa jeune sur allaient venir l'aider à se vêtir, avec ce magnifique vêtement offert par ses grands parents pour ses dix huit ans.
Dehors la tempête faisait rage, le port semblait en proie à une violente bataille, au loin des grondements inquiétants semblaient venir des entrailles de la terre.
Sur le lit s'étalait les couleurs chatoyantes de son kimono, un habit paré des plus beaux motifs et aux manches sans fin. Il était comme tous les kimonos traditionnels d'une coupe large d'une seule pièce et en forme de T.
Elle sortit de la douche appela sa mère et sa sur, elle allait se glisser dans cette douce soie avec volupté. Sur la simple robe blanche se justaposait son habit de fête, ouvert devant, et croisé pan gauche sur pan droit, maintenu par une large ceinture, le Obi, lui-même maintenu par un cordon, le Obijime. C'est là tout l'art du Obi qui requérait de l'aide, impossible de nouer cette bande longue de plusieurs mètres seule.
C'est comme l'origami réalisé avec une seule feuille de papier carré, l'habillage est un pliage à partir de cette simple bande de tissu. Elle se plie autour de ce ruban, elle ne soumet pas le tissu à son corps, car son corps doit mettre en valeur le kimono. Il n'est pas un simple vêtement, il est la manifestation de l'art, de l'esthétisme japonais, il est une philosophie.
Le vent soufflait de plus en plus fort, la pluie s'était mise à tomber, l'eau envahissait les rues, il ne faisait pas bon courir sous la pluie. Trop occupée à se préparer, elle ne sentait pas monter la colère des flots.
Elle était prête, malgré la tempête ses invités étaient arrivés, après les courtoisies d'usage, ils s'installèrent dans la pièce du thé, elle sur le tatami, en position seiza, celle par laquelle tout commence et tout finit dans la cérémonie du thé. Impassible lui la regardait de l'autre côté, elle sentait sur elle les regards, aucunes fautes ne devaient être commises, en quelques instants, le monde moderne était oublié, on se retrouvait dans le cur même de l'histoire du Japon.
Avec grâce elle commence le rituel, sortant doucement Les fukasa de son obi, le kaishi et le kobukusa sont dans la poche de poitrine du kimono elle les sortira au bon moment. Ses gestes sont sûrs gracieux et extrêmement calculés.........
La cérémonie du thé, dans cette ville du Japon n'arrivera pas à son terme, la vague énorme envahit le village raflant tout sous son passage, tout se transforme en boue, un sourire de la jeune fille à son ami n'arrête pas le séisme, les belles couleurs du kimono sombrent dans les eaux boueuses, plus rien ne reste, nous sommes le 11 mars 2011 et le Japon sombre sous le Tsunami.
Entre les larmes de lave le japon saigne.
Réedition de ce texte publié le 12 mars 2011, je n'avais jamais fait cela, mais c'est mon hommage aux victmes du Tsunami, un moment qui aurait pu être!!
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