Dans lappartement de son amant, Lise Emoix ne put sempêcher den détailler le contenu. Réflexe professionnel. Une observation discrète et rapide. Elle constata ainsi que tout y était soigneusement bien rangé. Chaque chose se trouvait à sa place. Pas de doute, cest un maniaque de lordre et de la propreté, se dit-elle. Lidée saugrenue de tomber sur un quelconque couteau lui traversa lesprit lespace dune seconde. Mais elle se ravisa aussitôt, sous la pression turgescente de Broche qui la poussait délicatement vers la chambre.
- Cest propre, chez toi. Et bien rangé pour un célibataire.
- Ma chère féministe, sache que tous les hommes célibataires ne vivent pas dans la crasse et le désordre en attendant de trouver une esclave pour soccuper du ménage.
- Heureusement
Hé ! Fais attention à ma robe, voyons. Les bretelles sont fragiles.
- Excuse-moi. Mais tu es si excitante, toute enrobée dans ce bout de ciel bleu
Bon sang ! Comment as-tu fait pour entrer là-dedans ?
- Attends. Je vais lenlever. Tu vas finir par me la déchirer.
- Hm
Ils sont adorables, ces sous-vêtements
- Tu aimes ?
- Oh oui
Tourne-toi, pour voir ? Houlà
Et terriblement sexy
Lui tournant le dos, elle avisa sous loreiller un foulard bleu qui pendait sur le côté.
- Dis donc
Mais tu es vraiment un fétichiste, alors, ou quoi ? Quest-ce que tu caches, là ? Oh, le joli foulard en soie
Cest toi qui portes ce genre de chose, ou bien tu comptais me loffrir ? Tiens, il est parfumé au jasmin
- Cest une copine qui a dû loublier
Tu ne vas pas marrêter parce que je vois dautres femmes ?
- Dans les autres pièces, cest légal. Mais dans ta chambre
- Jalouse
Et si tu me bandais les yeux avec ? Cest classique, je te laccorde, mais néanmoins efficace.
- Et pourquoi ne pas faire lamour normalement ?
- Cest quoi, pour toi, faire lamour normalement ?
- Tu as vraiment besoin de tout ce cinéma pour me faire lamour ? Je ne te suffis pas ?
- Mais si, ma sirène bleue. Tu me combles largement par ta simple présence. Et même ton absence me fait de leffet, si tu veux le savoir. Mais on aura bien le temps de faire lamour normalement lorsquon sera vieux et perclus de rhumatismes, non ?
- Cest gai
- Allez ! Bande-moi les yeux.
Linspectrice Emoix sexécuta, puis le déshabilla lentement. Satisfaite de lérection qui lattendait, elle caressa son corps, baisa, lécha et prodigua maintes sucions durant quelques minutes. Ensuite elle fouilla dans son sac à la recherche dun préservatif pour en recouvrir le sexe impatient.
- Encore, supplia Broche dune petite voix.
- Puisque tu ne veux rien voir, maintenant, moi, je ne veux rien savoir.
Elle aida son amant à se coucher sur le lit. Lembrassa à pleine bouche et saisit son pénis pour jouer avec. Elle le frottait doucement contre ses seins, son ventre, lintérieur de ses cuisses, de ses petites lèvres, puis son clitoris, lenfonçant de temps à autre tout au fond de son vagin avant de le ressortir aussitôt. Lentement. Au bout de quelques minutes, elle se décida à garder le sexe de Broche en elle, contractant les muscles de ses parois vaginales tel un serpent entourant sa proie, secouant parfois ses hanches par saccades, dabord lentement, ensuite de plus en plus vite.
Leurs respirations saccordaient. Leurs gémissements étouffés sharmonisaient. Les peaux transpiraient. Les corps se collaient. Et bientôt tous deux jouirent dans la joie de cet instant de bonheur universel et cathartique.
Vint ensuite le moment où, selon lusage, les deux amants en fleur, encore essoufflés et repus damour, hésitants entre le sourire béat du bien-être et le sérieux de la conscience amoureuse, sévertuent à se chercher mutuellement, longuement et tendrement au fond des yeux le mystère de leur passion.
Ainsi Lise lui retirait déjà le foulard, et sapprêtait à faire de même avec le préservatif, lorsque la sonnerie dun téléphone portable interrompit son élan. Á son appel, venant du fond du sac, la policière reprit ses dispositions.
Broche souleva ses paupières et saisit un mouchoir en papier pour enlever proprement le bout de latex. Lise se rhabillait à la hâte tout en répondant vaguement par des oui, des mais non, et conclut la conversation par un daccord, jarrive. Ensuite elle chaussa ses escarpins lapis-lazulis. Cétait mon collègue, expliqua-t-elle. Désolée, mais il faut que je repasse au commissariat. Elle sagenouilla sur le lit pour déposer quelques bisous sur le ventre docile de son amant immobile, qui ne savait trop quoi penser ni quoi dire. Linspectrice constata que le pénis saffaissait tristement sur ses testicules. Elle chercha furtivement des yeux le préservatif avec une vague intention, mais nen vit pas la moindre trace Broche tenait encore le mouchoir dans son poing fermé.
Une fois debout, elle lui adressa un petit signe de la main accompagné dun tendre sourire. Il linterpella alors quelle passait le seuil de la chambre :
- Lise !
- Oui ?
- Non
rien
- Houlà, comme ce rien contient beaucoup
- Je voudrais te dire des choses. Mais je ne suis pas sûr que tu comprendrais. Et je ne suis pas certain dêtre prêt à te les dire.
- Ah ? Eh bien, quand tu seras prêt, tu me le dis. Daccord ?
- Daccord.
- Bon ! Je dois y aller. On mattend
- On se revoit bientôt ?
- Je tappelle.
Linspectrice sen alla sans autre explication, et dévalait déjà les escaliers en sinterrogeant gravement sur ces choses que son amant navait pas pu lui révéler. Que devait-elle comprendre ? Elle nosait se limaginer.
Pendant ce temps, Broche se soumettait également à la question : sagissait-il de laffaire ? Ils ont peut-être appris quelque chose au sujet du tueur
Á peine avait-il terminé sa phrase quune décharge de lucidité fit sursauter sa conscience : Mais quest-ce que tu racontes ? Tu dérailles, mon vieux. Ça ne va pas du tout, là. C'est toi, le tueur... Il faut vraiment que tu te fasses soigner. Va voir un psychiatre, putain ! Oui, bien sûr, répondit-il en ricanant. En plus, sest remboursé par la sécurité sociale
Et il se leva, le rire aux tripes.
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