38 témoins
Deux articles, aux antipodes, pour aborder le film
L'un, du Monde, "Enquête sur un silence assassin". L'autre des Inrockuptibles,"Portrait de la lâcheté ordinaire."
Deux visions du film , aux antipodes l'une de l'autre. L'article du monde, invitant à une réflexion plus large, philosophique , celui des Inrock survolant le sujet, le réduisant à une vision dénonciatrice du réalisateur , n'y voyant qu'une sentence. Vraiment de certains regards partagés je dirai, "on y voit rien" .
L'histoire est celle du silence de 38 personnes face à un crime de sang,
Certains la relieront à la " lâcheté ordinaire", ou la "banalisation du mal". Ce type d'histoire se visite à bien des niveaux de notre histoire, collective ou même personnelle , et d'ailleurs c'est un angle commun traité dans les deux articles. Formules que je n'apprécie pas trop.
Je préfère de loin penser à une responsabilité perdue, délaissée, niée , celle qui en terme juridique se désigne sous le nom de "non assistance à personne en danger" .
Visité dans le film, ce silence est d'abord diffus et au fur et à mesure visible.
Il est évident qu'ainsi montré du doigt, la question se pose à nous , dans nos actes de la vie quotidienne les plus anodins.
Mais bien plus extraordinaire, c'est l'inverse du silence que je retiens de ce film.
Et au delà d'une critique de notre monde, un encouragement à le dépasser, sans le juger comme point de non retour ou fatalité .
Car si comme le dit Mandelbaum, dans son article, ce qui ressort du "tableau" est le spectacle d' un espace "théâtralisé" , à travers le jeu des différents acteurs de la scène , justice, médias, spectateurs du jeu institutionnel , lui est opposée la parole , comme ligne à suivre , comme relai à transmettre.
Une parole venant d'individus responsables, tant de leurs actes et de leurs conséquences . Ces mêmes acteurs n'en sont plus, ne jouent plus, ils préviennent des conséquences de leurs choix, les assument . Il ne sont plus spectateurs de la société spectacle .
J'ai envie de dire que sortir de la léthargie du spectacle du monde auquel on s'est habitué sans rien faire et en faire, de ce monde , peut prendre un certain temps. La responsabilité de ne pas étouffer ce "dire" faillible qui nous rend finalement plus humains donnerait à voir ou penser la fonction des institutions sous un autre angle, quand de telles personnes en fonderaient le sens .
Une femme, journaliste, un homme, témoin soudain bavard, se rencontrent et nous disent ce qu'il en coûte dans notre société actuelle d'assumer sa propre parole, de fait , allant contre ce théâtre passif , lieu où celle ci ne trouve plus vraiment de place. Plus que demander à être jugé de son silence , opposer et assumer sa parole, ses choix, les conséquences d'agir sur le monde , assumer ce que nous n'en faisons pas .
Et ne pas tourner le dos à cette douleur là . Car telle est aussi la question soulevée ,en scène finale.
http://www.lemonde.fr/cinema/article/2012/03/13/38-temoins-enquete-sur-un-silence-assassin_1666953_3476.html
http://www.lesinrocks.com/cine/cinema-article/t/79876/date/2012-03-13/article/38-tmoins-1/
↧