Il y a quelques temps je me moquais gentiment d'un collègue qui se plaignait des filles qu'il rencontrait sur mitic-mitoc. Sa description des Martine et Brigitte qui veulent qu'on les appelle Léa ou Zoé lorsqu'on aura gagné leur intimité ou celles qui veulent qu'on les emmène faire du shopping à Bali ou encore celles qui ne rêvent que de Lamborghini et qui font la tronche devant sa clio année 2006...
- M'enfin, quand même, tu les choisis ! Et puis c'est vrai qu'il y a des femmes qui aiment bien être choyées, gâtées comme des petites filles à Papa, c'est un style !
- Et d'ailleurs ma copine du moment m'énerve, c'est bientôt Saint Valentin et elle n'arrête pas les allusions puériles, trop peur que j'oublie son petit cadeau ou son bouquet de fleurs, tiens, hier elle a poussé le bouchon trop loin, figure-toi qu'elle m'a demandé ce que je prévoyais de lui offrir et elle a proposé qu'on aille faire les boutiques ensemble, mon sang n'a fait qu'un tour, je lui ai dit que s'en était fini, qu'elle me gavait et qu'elle aille se chercher un pigeon autre part, nan mais, pour qui elle me prend cette conne !
Sur le coup je lui donnai raison, sans doute plus pour lui faire plaisir que pour vraiment considérer la pertinence du propos. Comme j'abondai dans son sens, il se calma, il paya même mon café et on rentra chacun chez soi en se souhaitant une bonne soirée.
Je décidai de remonter jusqu'à ma porte à pieds, le vent frisait mon nez de parfums fleuris et j'eus l'envie de sentir encore les derniers rayons d'un soleil semblant renâcler à aller se coucher comme un enfant silencieux se fait oublier à l'heure du coucher. La marche est ma position favorite, elle me libère des tristes pensées, des contraintes ou de la mauvaise conscience de ne pas faire ci ou ça. Marcher hydrate mon esprit comme une crème ma peau, elle rend élasticité à mon cerveau.
Je me mis à imaginer les belles que rencontrait mon ami d'après ce qu'il m'en disait, j'avais échafaudé un portrait type à partir des femmes dont il semblait être friand, toujours plus jeunes que lui, toujours grandes et élégantes. Toutes plus belles les unes que les autres dans ses descriptions. Je me demandai quelle pouvait être la part de fantasme entre sa perception et la réalité. Alors que je recomposai le puzzle des éléments dont je disposais, je me souvins qu'il avait passé plusieurs jours en vacances chez sa Dulcinée, en Méditerranée, qu'elle l'avait accueilli, qu'elle l'avait nourri, logé, blanchi pendant plusieurs jours sans contre-partie, puis je me souvins qu'il m'avait montré un livre ancien qu'elle lui avait offert pour son anniversaire et plus j'avançai dans les souvenirs comme un petit poucet, collectant des pièces rapportées auxquelles je n'avais donné aucune importance, plus je me rendis compte que la belle attendait peut-être qu'on lui retourna la monnaie de sa pièce.
Peut-être attendit-elle assez longtemps pour qu'elle décidât de changer de stratégie et commençât à induire une demande qui ne se faisait naturellement, puisque qu'en retour, le joli se contentait de la couvrir de semence.
Je repris alors pied avec les souvenirs de cet ami qui me concernaient, je me remémorai qu'il avait passé tout un w.e. chez moi et qu'il n'avait apporté ni fleurs, ni bouteille. Qu'il ne s'était enquis à aucun moment de ma situation à l'époque fort précaire. Je ne sais pas pourquoi, mais à cet instant précis de ma réflexion me vint une image sotte et grenue : je m'imaginai cet homme à poil, sans ses lunettes qui lui faisaient des petits yeux mesquins. Et d'un coup je me suis dit tout fort : Cet homme est un avare! Passait à côté de moi un femme avec ses deux enfants à bout de bras, elle m'entendit et répliqua : "Si c'est un avare, fuyez et ne vous retournez pas, les hommes trop près de leurs sous sont impuissants ! "
Elle disparut au coin de la rue, non sans me gratifier d'un large sourire tandis que je me statufiai sur place, scotchée par sa réplique autant que par la puissance de sa pensée.
↧