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Une escapade au lac Baïkal (2ème partie) par Alioth

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Parcours Irkoutsk-Moscou avec le Transsibérien : le trajet Irkoutsk-Tomsk (A) Près de 100 ans après la parution du poème de Blaise Cendrars (α), le Transsibérien (en russe: Транссибирская магистраль) fait toujours rêver. Si la ville d’Irkoutsk (595 000 habitants) peut être reliée à Moscou d’un coup d’ailes d’Airbus aux couleurs de l’Aeroflot, la ligne du Transsibérien continue non seulement à fasciner les voyageurs mais surtout à jouer son rôle d’artère vitale pour le transport du fret entre l’Europe et l’Extrême-Orient. En Octobre dernier, à la demande du Ministère chinois des Transports, la Compagnie privée Suisse Hupac a fait circuler le 1er train de fret entre Chongking (mégapole du centre de la Chine de 32 millions d’habitants) et Anvers en Belgique, en empruntant la plus longue ligne ferroviaire du monde, jugée beaucoup plus sûre, plus fiable (20 jours pour faire 10 000 km) que la voie maritime (21 jours pour les 16 500 km entre Anvers et Hong-Kong), tributaire du canal de Suez mais surtout confrontée aux problèmes de piratage dans le Golfe d’Aden ou le détroit de Malacca. Lorsqu’on vient du lac Baïkal et que l’on se dirige vers l’Ouest, on peut prendre le Transsibérien en gare de Slioudianka ou en gare d’Irkoutsk. Cette dernière, beaucoup plus fréquentée, est desservie par tous les trains, notamment ceux venant de Chine (Transmandchourien) ou de Mongolie (Transmongolien). C’est là que nous avons prévu, Eva stellaby, Pierre, babaka et moi, de prendre le train, après avoir séjourné 2 jours à Irkoutsk. * Mardi 27 mars 2012 -9h40 :Irkoutsk centre ville Nous chargeons nos volumineux bagages dans le taxi qui doit nous conduire à la gare. Il tombe de la neige fondue. Le thermomètre digital, qui domine un immeuble proche, affiche + 1°C. Notre train part à 10h42 mais nous avons préféré prendre une marge de sécurité suffisante car ici le trafic est toujours dense. Nous traversons la Place Kirova bordée d’un grand parc public, en laissant sur la gauche l’artère principale, la rue Lenina. Nous franchissons l’Angara, unique cours d’eau s’échappant du lac Baïkal, alors qu’à l’inverse plus de 300 d’entre eux se jettent dedans. Il va poursuivre sa course avant de se mêler aux eaux du puissant fleuve Ienisseï, à 300 km au Nord de Krasnoïarsk…Sur la place de cette grande et jolie gare, c’est l’effervescence avec les nombreuses voitures qui sortent ou arrivent dans tous les sens : coups de klaxon nerveux, manœuvres scabreuses ou imprudentes… Notre train, le N° 011, est déjà en gare. Il est parti la veille de Chita, ville située à plus de 1000 km à l’Est d’Irkoutsk, doit nous transporter à Taïga, avant de poursuivre son parcours jusqu’à Chellabinsk, importante ville à 150 km au Sud d’Iekaterinbourg. Nous cherchons la voiture 28. Elle se trouve en tête, derrière la locomotive, une impressionnante B-B-B de 135 tonnes construite en 2005. La prodovitsyna - c’est le nom de l’accompagnatrice chargée de veiller à notre confort durant tout le voyage (il y en a une pour chaque voiture) - nous accueille au pied du marche-pied. Elle vérifie nos billets et pendant que nous nous installons dans notre compartiment, elle distribue à chacun d’entre nous une paire de draps, une taie d’oreiller, une serviette de toilette et un torchon. Nous partons sous un ciel gris, contrastant singulièrement avec celui dont nous avons bénéficié durant tout notre séjour au lac Baïkal : un bleu lumineux, toujours propice à la photographie. Nous allons parcourir 1621 km et passer notre 1ère nuit dans le train. Dans notre compartiment de 2ème classe (kupeyny ou kupe) qui comporte 4 couchettes, nous arrivons tout juste à trouver de la place pour ranger valises et sacs. Au fond du couloir se trouve le samovar avec eau chaude à volonté pour se faire du thé, du café ou de la soupe (il faut apporter sa propre tasse et ses ingrédients). L’horaire du train (heure de Moscou) est affiché et donne le temps d’arrêt dans chaque gare desservie. Notre 1er arrêt est Zima (251 km d’Irkoutsk). Le stationnement est de 29 mn car nous devons changer de locomotive. Sur le quai, nous achetons à une babouchka de la nourriture pour le dîner : des pirochkis, chaussons à la viande, au chou et à la pomme de terre et des blintchiki, crêpes fourrées. Avec du thé à volonté et de la bière (Baltik N° 3) achetée à la voiture-bar, nous sommes prêts à passer notre 1ère soirée dans notre compartiment… Le train roule et nous habituons rapidement au tac-tac régulier produit par le passage des roues sur les joints de dilatation des rails. Dehors, les poteaux soutenant la caténaire qui bordent la ligne défilent régulièrement…Le conducteur klaxonne fréquemment, certains passages à niveau n’étant pas gardés et des ouvriers travaillant à l’entretien de la voie. Des plaines enneigées alternent avec des forêts peuplées de milliers de bouleaux et de quelques résineux se dressant ici ou là. Nous arrivons à Taïchet à 21h43 (km.4516 de Moscou) alors que la nuit commence à tomber. C’est juste avant cette gare que se trouve la bifurcation permettant d’aller sur le BAM (en russe : Байкало-Амурская Магистраль/БАМ) (β). Le Baïkal Amour Magistrale est une seconde ligne qui passe au Nord du lac Baïkal, permettant d’atteindre Sovetskaïa Gavan et menant aux ports du littoral de l’Océan Pacifique. Après l’arrêt de 2 minutes en gare de Taïchet, nous allons passer 2 fuseaux horaires (nous sommes partis d'Irkoutsk avec 5 h de décalage par rapport à Moscou ). Allongé sur ma couchette, ayant du mal à trouver le sommeil, influencé par toutes les images qui fusent dans ma tête, j’imagine le franchissement du fleuve Ienisseï (γ) après l’arrêt en gare de Krasnoïarsk prévu à 02h37 (km.4098 de Moscou). Mais à cette heure, le rêve paradoxal aura pris sans doute la place des périodes en alternance d’éveil et de somnolence qui précédent l’endormissement… La Russie est le pays par excellence pour stimuler ses connaissances de géographie avec ses plaines aux horizons les plus reculés, ses forêts denses et profondes, ses vallons ou ses montagnes boisées, ses rivières ou ses fleuves qui gonflent leurs eaux au Printemps, rendant les chemins avoisinants rapidement impraticables… * Mercredi 28 mars 2012 – 10h00 Nous sortons de notre engourdissement et après une rapide toilette, nous préparons le petit déjeuner. Le paysage n’a guère changé : steppe recouverte d’un épais manteau blanc, bouleaux ployant sous la neige et attendant que les rayons du soleil les soulagent de cet encombrant fardeau…Nous croisons régulièrement 4 à 5 trains de fret à l’heure, toujours très longs, 60 à 80 wagons transportant du charbon, du bois, des automobiles et autres machines…. Pierre fait quelques photos au travers de la baie vitrée. Pas facile de déclencher l’objectif entre 2 poteaux-caténaire. Heureusement, le train ralentit parfois sa course et il dépasse assez rarement les 60 km/h. Grâce à sa patience, nous posséderons les plus beaux clichés de bouleaux au soleil montant et de petits hameaux d’isbas aux toits qui fument pris à bord d’un Transsibérien. * Jeudi 29 mars 2012 – 11h30 Notre train entre à 11h37 précises (8h37 heure de Moscou) en gare de Taïga. La température extérieure est de + 6°C ! Le convoi se scinde en 2 parties. La partie de tête, dans laquelle nous nous trouvons est à destination de Tomsk, notre prochaine étape et, celle de queue, s’en va en direction de Chellabinsk. La prodovitsyna, notre chef de bord, nous demande de ne pas descendre durant la manœuvre en gare. Au bout d’1/4 d’heure, notre train est à nouveau à quai et nous pouvons enfin, après 26h55mn de trajet, nous dégourdir les jambes. Nous avons largement le temps d’aller en ville, le train ne repartant qu’à 14h04 ! La petite cité de Taïga est triste et nous en avons vite fait le tour…Nous trouvons un petit restaurant près de la gare. Au menu : salade, pirochkis, bière. Nous faisons la connaissance de Vitali et Valentine, attablés à côté de nous. Ils ont très envie de nous parler.Valentine, qui n’en est pas à sa 1ère bouteille, est gris et particulièrement volubile. Son compagnon Vitali, très calme, est assis près d’une fille au regard bizarre. Ce sont des marginaux. Ils semblent déboussolés et en plein désarroi. Eva - qui parle le russe - s’entretient avec le plus posé et le plus lucide : Vitali. Celui-ci explique qu’il n’a pas de travail et qu’il refuse le mode de vie actuel qui caractérise la plupart des citadins de la Russie d’aujourd’hui. Il se sent aux antipodes de la façon dont les politiques conduisent le pays…Nous nous séparons après leur avoir fait l’accolade. Le regard triste, Vitali nous fait avec sa main un dernier au revoir. Pendant que Babaka, Eva et Pierre reprennent le chemin de la gare, je pars à la recherche d’une épicerie pour m’acheter des pommes. J’en trouve à un prix tout à fait acceptable : 75 Roubles le kg (100 Roubles = 2,5 € environ)… Notre train repart pour faire les 80 derniers kilomètres qui nous séparent de Tomsk. Nous atteignons cette ville (510 000 habitants) à 15h30. Il faut que nous trouvions un taxi et surtout un lieu d’hébergement pour les 2 nuits que nous avons prévu de passer à Tomsk, une ville jeune : 1/6 de sa population est étudiant . Bien avant que nous ne partions d’Irkoutsk, toutes les structures hôtelières affichaient complet ! Même si le température est assez douce pour la saison, les nuits sont encore froides dans cette partie centrale de la Sibérie. Une nuit à dormir sous les étoiles n’est guère attrayant, sauf à être un passionné d'astronomie !! alioth Prochain commentaire : Parcours Irkoutsk-Moscou avec le Transsibérien : le trajet Tomsk-Nijni Novgorod (B). « La voie ferrée est une nouvelle géométrie ». Frédéric Sauser dit Blaise Cendrars (1887-1961) Extrait « Du monde entier au cœur du monde » « Crains qu’un jour, un train ne t’émeuve plus » Guillaume Apollinaris de Kostrowitzky dit Guillaume Apollinaire (1880-1918) (α) La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France a été publié à la fin de l'année 1913. Cet ouvrage, qui a été ensuite illustré, mis en forme par l'artiste Sonia Delaunay, relate le voyage d’un jeune homme de seize ans, un poète, qui fait le trajet de Moscou à Kharbine en compagnie de Jehanne, égrenant au fur et à mesure les noms des gares de Russie qu’ils traversent. CENDRARS, Blaise et DELAUNAY, Sonia. La Prose du Transsibérien et la petite Jehanne de France. Editions Paris: Les Hommes Nouveaux, 1913 (β) La ligne du Transsibérien était déjà en service lorsqu’en 1938, le dirigeant soviétique Joseph Staline ordonna une deuxième ligne de la ville Taïchet à l'Océan Pacifique. Mais la Seconde Guerre mondiale et la mort de Staline interrompirent les travaux de la BAM et pendant les 20 années qui suivirent le décès du sanguinaire despote le projet n’avança guère. La construction du tronçon de Taïchet à Bratsk dans les années 1930 mobilisa 180 000 détenus. Une partie du tracé oriental fut l’œuvre des prisonniers du Goulag pendant les années 1944-1946. En 1974, Leonid Brejnev annonça la relance du BAM, lui donnant une priorité nationale. Bientôt, le Parti de la jeunesse Komsomol commença à organiser le rassemblement les travailleurs par milliers. Les premiers mois, ils étaient presque tous bénévoles, remplis de la romance des pionniers et stimulés par le triplement des salaires. Le travail était dur, long et dangereux. Températures en-dessous de 50°C en hiver. Chaleur étouffante oscillant autour des 40°C, avec moucherons voraces, tiques virulents et autres moustiques en été. L'éclatement de l'URSS a été particulièrement critique pour l’achèvement des travaux, mais officiellement ils ont été achevés en 1991. La ligne a été construite en utilisant des plateformes spéciales et durables puisque la plus grande partie de son itinéraire se situe sur du pergélisol (permafrost). Il a fallu pour la réaliser franchir des marais mais aussi de nombreux fleuves, 7 chaînes de montagnes et traverser des zones de haute sismicité. A noter que le tunnel Severomuisky, d’une longueur de 15 km, inauguré en 2001 après 25 années de travail sans relâche, a été particulièrement difficile à réaliser en raison des caractéristiques sismiques et géologiques de ce territoire. Certaines des gares du BAM, construites en granit, bois et métal, sont de vraies œuvres d’art architectural. Un documentaire de 52 minutes de Wolfgang Mertin, "Baïkal-Amour-Magistrale, l'autre transsibérien", qui présente cet ouvrage spectaculaire a été diffusé sur ARTE en 2005. (γ) Le Ienisseï (Yenisey) a 1 longueur de 4093 km. Il atteint 5075 km si l’on considère que sa source est confondue avec celle de la rivière Selenga. Mes précédents commentaires sur la Russie et le Transsibérien : - Le 27-09-2011 : http://www.pointscommuns.com/sylvain-tesson-commentaire-lecture-98986.html Escapade en sibérie - Le 13-11-2011 : http://www.pointscommuns.com/le-carnet-de-siberie-commentaire-lecture-99638.html Vers les rives du lac Baïkal…(1ére partie) - Le 22-11-2011 : http://www.pointscommuns.com/voyage-au-pays-de-toutes-les-russies-commentaire-lecture-99776.html La ligne de Chemin de fer Moscou-Vladivostok, voie ferrée de 9288 km (2ième partie) - Le 02-12-2011 :http://www.pointscommuns.com/la-russie-commentaire-lecture-99984.html De l’autre côté du, monde Livres : - Paris-Pékin par le Transsibérien; récits de Pierre et Agnès Rosenstiehl, Paris, Gallimard, 1980 et 1984. - Le Transsibérien: Un train dans l’histoire; récit de Claude Mossé, Paris, Plon, 2001. Une grande partie de l’ouvrage est consacrée à l’histoire et la construction de la ligne. - Seule sur le Transsibérien: Mille et une vies de Moscou à Vladivostok; récit de Géraldine Dunbar, Transboréal, 2006. relate le voyage d’une jeune femme explorant la nouvelle Russie sur plus de 20 000 kms pendant quatre mois. - Transsibérien. Chez Lovely Planet. De Moscou à Vladivostok ou Pékin, en passant par Irkoutsk ou Oulan-Bator, ce guide de voyage unique couvre les trois itinéraires de ce voyage mythique en train. - Voyage en Sibérie. de Charles Vapereau. En 1892, Charles vapereau, diplomate français, obtint l’autorisation de traverser l’extrême-orient russe. Il part de Pékin avec sa femme Marie et avec hane, son serviteur chinois. - Les fabuleuses histoires des trains mythiques. De Jean-Paul Caracalla. Le Transsibérien, le Sud-Express, le Nord-Express, la Flêche d’or… Cette fresque retrace l’histoire des wagons-lits, qui se mêle à celle des grandes inventions technologiques du XXè siècles et au développement d’un tourisme de luxe. - Henri Bonnichon, Thierry Mauget et Roberto De la llave, Aventure transsibérienne, récit, Blurb, 2009. Trois jeunes dans le Transsibérien de Saint-Pétersbourg à Pékin - La Sibérie en défis, Sébastien Eugène, Paris, L'Harmattan, 2009.

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