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La revanche des tubercules par Annaconte

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Il y a parfois un cadeau empoisonné glissé dans votre panier, par une âme charitable, persuadée que comme elle vous allez vous en régalez. Cette fois vous avez hérité d’une betterave potagère énorme, compacte, terreuse, d’au moins un kilogramme, et qu’on vous a suggérée de manger crue. C’est bien meilleur. C’est riche en lutéïne, en bétalaïnes, en vitamines, une source d’énergie remarquable, c’est connu. Rien à voir avec la betterave cuite, petite et ronde, dans son emballage plastifié. La mienne arrive droit des Alpes, les Basses, comme on disait autrefois, elle a été récoltée à l’automne, juste avant les premières gelées et conservée dans le sable, à l’abri du soleil, dans un endroit sec. Je la fixe dans le bulbe, partagée entre considération et suspicion. Elle ne bouge pas, stoïque. Résignée. Une sacrée bête. Chargée en sucres. Peut-être même carrément ivre ? Son taux de glucides doit être terrible, imaginez ! saccharose, glucose, fructose, en moindre quantité que sa sœur la sucrière mais quand même ! ah la sucrière, une belle anti-esclavagiste celle-là, mais c’est une autre histoire. Là, simplement vous dire. La cuisine n’est pas toujours romantique comme le prétend le poète. Il y a des moments où cela devient une nécessité. Presqu’un devoir. Et ce n’est pas vrai que l’on soit toujours prêt à faire face. Sur la planche de bois, j’ai posé l’animal. Déjà en tailler une bonne part. Le reste sera remisé pour la prochaine fois. Il y en a pour vingt personnes ma parole ! … D’abord brosser la terre. Puis peler. Même si elle se laisse faire, c’est délicat, creux et bosses, » yeux »( faut toujours ôter les yeux, c’est mauvais !) verrues, le couteau n’en peut plus de tourner en enlevant de fines bandes de peau sous sa lame,, son tranchant hésite. Les pelures volent dans tous les sens en travers de la table. C’est l’anarchie. On m’a dit de la râper, c’est mieux pour la salade . J’ai opté pour la râpe à l’ancienne, la bonne vieille en fer, la Ménagère, qu’utilisait ma mère et ma grand-mère avant, pour rester dans le ton. Comme au lavoir antique, râper comme on brossait le linge, de haut en bas, sans trêve, et extirper au passage une écume qui s’écoulait dans le bassin. Pour l’heure, les lamelles rouge sombre tombent dans le bol en laissant des taches violettes, redoutables, tout autour. A mes pieds, des confettis de betterave parsèment le carreau. Je ne suis guère adroite décidément. Ni assez patiente. Une odeur de terre monte de mes mains. Odeur profonde, sueur de femme, rite ou sacrifice. Ma peau couleur du sang, sous l’eau, colore la pierre de pourpre. Nature morte et éblouissements. Les choses se rejoignent. Le présent soudain scellé au passé. Je viens de traverser le temps, je viens pour découvrir une saveur que je ne connais pas, ou oubliée…. Crue plutôt que cuite, et toute la différence est là. Tubercule….Racine improbable et frugale. Nourritures terrestres. Le goût du sauvage. … J’ai faim. Avec fébrilité, je me concocte une vinaigrette un peu épaisse, deux cuillerées à soupe de moutarde, deux de vinaigre basalmique, quatre d’une bonne huile d’olive de chez nous, une pincée de fleur de sel, trois tours de moulin à poivre ou cinq baies. Du persil haché menu pour décorer… Mais la fébrilité rend mes gestes incertains et je manque de faire tomber la bouteille d’huile . Verser la sauce sur la râpure écarlate, ajouter des oignons frais et de la mâche craquante, avec une tranche de pain grillé frotté d’ail -je ne peux pas m’en empêcher ! et voilà un petit repas de fortune, accompagné d’un ballon de rouge de pays, la vie est belle ! Il fallait bien que je vous la raconte cette histoire de betterave, toute simple. Parce que si vraiment on doit entrer en » décroissance », parce que si vraiment c’est la crise, faut se préparer. Ce sera la revanche des racines qu’on se le dise ! Peut-être même qu’on réapprendra à cuisiner les épluchures ? Le Fouquet’s je suis sûre saura innover en la matière ! Au menu des restaurants gastronomiques, on pourrait imaginer ce genre de listes en hors d’œuvres ou plat principal agrémentés de sauces exquises ou surprenantes à damner un saint. Y a le choix ! Betterave • Carotte • Céleri-rave • Cerfeuil tubéreux • Chervis • Crosne du Japon • Daïkon • Galanga • Grande bardane • Gingembre • Ginseng • Hélianthi • Hoffe • Igname • Maca • Maceron • Manioc • Mashua • Navet • Oca • Panais • Patate douce • Persil • Poire de terre • Pomme de terre • Radis • Radis noir • Raifort • Rutabaga • Salsifis • Scorsonère • Taro • Topinambour • Ulluco Reste à trouver les sauces adaptées ! Hop je vois que Gilda est revenue !!!!!!!!! je cours je vole , ça va être fête ce soir !!!!!

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