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Poésie satirique par F_for_fake

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Je viens de revoir "Quelques jours dans la vie d'Oblomov", en dvd... Après "Partition Inachevée pour piano mécanique" ce second film inspiré de Tchekhov se distingue, dans la filmographie de Mikhailkov, par sa liberté inouïe. Il m'avait profondément touchée il y a une quinzaine d'années, au cinéma, par sa forme poétique. Il peut paraître également une satire, sans rien perdre de sa beauté toutefois. Fantaisie : Le cinéaste soviétique, dans cette oeuvre, fait référence au théâtre en s'amusant à entrer dans les scènes par des plans fixes de dessins, des aquarelles ou des encres, qui reproduisent le décor dans lequel on s'apprête à pénétrer. La façade de l'immeuble dans lequel vit Oblomov à Moscou, ouvre ainsi le film sous sa forme peinte. Les personnages dés lors, sont des figurines qui viennent animer un décor. On est dans une pantomime. Leurs gestes peuvent être excessifs, on est prêt à tout croire. Comme chez Guignol. Le dispositif est Brechtien. Hédonisme : Au fur et à mesure de l'avancée du film, durant 2 heures, les personnages prendront de l'épaisseur, mais jamais trop. Jamais surtout de lourdeur. Car "Oblomov", c'est l'histoire incroyable et sincère d'un homme qui préfère dormir et rêver, à vivre. Le voyant affecté d'une forme volontaire de narcoleptie, son entourage (enfin, ce qu'il en reste) croit devoir le sauver. L'entourage est maigre car Oblomov n'a ni enfants ni famille, il n'a rien construit : il s'agit simplement de son serviteur - car nous sommes à la fin du 19ème siècle et notre homme est le noble dernier héritier d'une grande propriété - et de son meilleur ami. Mais le temps et la vie, pour Oblomov ne sont pas de même nature que pour d'autres. Son ami élevé à la dure, par un père germanique, ne jure que par la "valeur travail" et ne peut pleinement le comprendre... : il finira par admirer la constance contemplative d'Oblomov. Car ce qui semble d'abord une maladie, s'avère un choix assumé d'existence. Et c'est d'ailleurs en étant pleinement lui même, relié aux plantes, au souffle dans les arbres, à l'écoute de lui même et de ses émotions qu'Oblomov vivra une histoire d'amour. Une seule. Revoyant pour la troisième fois ce film aux images splendides, baignées de lumière, où les personnages courent entre les bouleaux, dans des vallées frémissantes... je m'aperçois qu'on peut également en faire une lecture désabusée et sarcastique. L'histoire d'Oblomov serait aussi celle de la fin d'une race, celle des aristocrates et propriétaires, des russes blancs destinés à être balayés par l'Histoire. Tournant dans les années 70, Mikhailkhov réussit ainsi à passer la censure en satisfaisant aux nécessités d'une lecture marxiste implacable, tout en restant fidèle à sa propre aspiration philosophique : hédoniste, panthéiste, portant une tendresse énorme à son personnage. Car pour qui l'a vu, Oblomov demeure un personnage profondément attachant, inoubliable. Mikailkov encode deux films en un et garde sa liberté. Une magistrale réussite.

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