Quand je suis arrivée, E. était déjà en train de combattre. Je me rappelle quil portait une combinaison jaune vif, limite fluo.
Je me suis alors dirigée à gauche et me suis installée debout à côté de S. son père, que jai à peine regardé. Mais je lui ai serré la main alors que je ne lavais jamais fait et il ne la pas lâchée. Je crois quil sentait que javais envie de le réconforter après le deuil quil venait de traverser (il venait de perdre son frère).
Je ne sais comment on sest retrouvé beaucoup plus près. Et là jai osé le regarder. Il était défiguré. S avait toujours eu un beau visage. Il ressemblait maintenant à un de ces personnages de films dhorreur qui me faisaient peur. Il avait une balafre lui traversant la joue, une sorte de capuchon lui mangeait le quart du visage et son il gauche tandis que lautre il trahissait une immense douleur. Pourtant, je nai pas eu peur. Je lai serré plus fort, on commençait dailleurs à se serrer très fort tous les deux. On était lun contre lautre, corps contre corps.
Je ne me rappelle pas quon ait parlé. Si on le faisait cétait avec les mains. Je le serrai pour lui donner de la force et lénergie entre nous circulait.
Je ne sais de nouveau comment, on sest retrouvé allongés, je crois même quil y avait un lit et des murs autour, cétait un lit comme dans les formules 1 mais il était plus grand quand même car nous étions en train de faire lamour. Cétait sans mots toujours, mais tout entre nous était fluide et intense. Un moment il ma mordillé le sein et sa main doucement est allée plus bas, beaucoup plus bas et cest là que jai senti que jallais jouir. Je me suis même entendue jouir car en même temps, jai commencé à respirer très fort, je me suis entendue aspirer de lair à plusieurs reprises. Ça ma réveillée.
Jai eu du mal à revenir à la réalité.
Le coup de cur que javais éprouvé pour S. il y a maintenant 16 ans ne sest jamais concrétisé.
S. est mort lannée dernière le 24 avril 2011. Ce nest pas son frère qui est mort, cest lui qui a disparu à 42 ans, bêtement, sa bestiole mécanique de je ne sais pas combien de kilos lui étant tombée dessus après quil ait dérapé. Comme souvent, il conduisait sa moto avec des espadrilles, il connaissait si bien sa jolie petite ville de carte postale, dans laquelle je nai plus du tout envie de me rendre maintenant, ses ruelles escarpées, ses blanches falaises, et sa vue imprenable sur la Méditerranée.
Linconscient venait de me jouer un drôle de tour.
Quelle curieuse sensation. Il était pourtant là contre moi il y a quelques instants. Je nai pas voulu ouvrir les yeux tout de suite. Comme une envie de le retenir et ressentir sa présence si vivante même si je savais bien que ce nétait quune illusion.
Je narrive pas à me faire à lidée quil soit mort.
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